Ce matin sur les pontons de Saint-Gilles-Croix-Vie, les commentaires vont bon train. « Alors, cette dépression ?... l’aura, l’aura pas ? » Non pas que les solitaires redoutent d’aventurer leur monotype Monotype #sportboats dans les mailles de ses isobares, mais plus parce qu’ils n’ont pas fini de se triturer les méninges pour savoir si effectivement ce système de basses pressions va balayer le golfe de Gascogne quand ils roderont dans les parages. « C’est de plus en plus incertain. C’est même l’incertitude totale en ce qui concerne le passage d’une dépression Atlantique. Soit, ce système rentre et il faut aller le chercher dans l’ouest. Soit, il tarde et alors mieux vaut alors être dans l’est. Aux Birvideaux, il y a aura des décisions à prendre... et des risques. En fait, pour l’heure, tous les modèles divergent », explique Dominic Vittet (ATAO Audio System) au moment d’embarquer. Ce skipper au bon sens marin ne cache pas avoir fait tourner et « fumer » tous les fichiers et avoir mis, jusqu’à la dernière minute, toutes les cartes météo sur tables.

« On va avoir un peu de louvoyage jusqu’aux Birvideaux, dans du nord-ouest de 10 nœuds environ. Mais c’est la nuit prochaine que ça se complique. Le vent va mollir, il va être instable en force et direction. Il y aura une phase de transition délicate. Ensuite, on ne sait pas à quelle vitesse Vitesse #speedsailing la dépression attendue va réellement se déplacer. Il va falloir qu’on passe du temps sur nos récepteurs de fax météo pour bien suivre comment évolue la situation, confirme Kito de Pavant (Navy Lest). Les modèles ne s’accordent pas : certains voient de l’ouest, sud-ouest, les autres tablent au contraire sur de l’est, sud-est. Ce sera peut-être un mélange des deux pour corser l’affaire ! Mais forcément, il y aura des options à faire. Il faudra être plus malin que les autres. Cette situation avantage ceux, qui comme moi, ont du retard sur les premiers. On peut jouer sans s’occuper du classement. »

Un signal en guise d’avertissement pour Jérémie Beyou (Delta Dore), Armel Le Cléac’h (Foncia-TBS) et Charles Caudrelier (Bostik Findley), que moins de douze minutes séparent au général ? Incontestablement et les leaders n’ont qu’à bien se tenir. Dans leur sillage au classement général provisoire, les troupes de l’arrière promettent d’attaquer dans tous les sens et tous azimuts.

Météo tordue, étape farfelue ? « Si je suis mal placé à Belle-Île, je prends une option de fou, à 90 degrés de la route directe et tac, je gagne à Gijon ! » plaisante volontiers Armel Tripon (Gedimat). Plus sérieusement, celui qui occupe la 4^e place au classement des bizuths se réjouit d’avance de cette étape taillée à son pied marin : « C’est très intéressant, enfin du grand large, avec sans doute des coups à jouer. Je n’hésiterai pas si l’occasion se présente. Je ne suis pas un suiveur, je ne vais pas me mettre à marquer les autres à la culotte, je ne sais pas naviguer comme ça. Je suis chaque jour plus autonome dans ma façon de concevoir et réaliser mes navigations et c’est bien plus intéressant comme ça. » Idem du côté de Marc Emig (Total), régatier affûté, adepte des petits coups tactiques : « Je suis plutôt content de ce schéma et qu’il y ait du jeu Jeu #jeu en perspective. Je ne vais pas m’ennuyer ! Je ne suis pas un marathonien. Je préfère quand il y a des petits coups à faire par-ci, par-là ». 

Grandes options et petit coups tactiques en stock, les leaders de la flotte mesurent qu’ils risquent gros et qu’ils vont devoir redoubler de prudence et de vigilance pour contenir leurs concurrents : « Il faudra rester bien concentré sur sa course, confirme avec confiance Armel Le Cléac’h (Foncia-TBS). Certains vont passer à l’attaque. Il me faudra garder de l’énergie et être vigilant pour ne pas laisser des marins très expérimentés, comme Dominique Vittet (vainqueur 1993) s’échapper seul. L’expérience accumulée va jouer sur ces deux dernières étapes. C’est sur l’eau que j’affinerai ma stratégie. Il reste encore du chemin à parcourir et quelques nuits à passer en mer où, c’est bien connu tous les chacals sont gris ! » On laissera le mot de la fin en ce début d’étape à Eric Drouglazet (Crédit Maritme-ZeroTwo), qui estime volontiers que voilà bien « l’étape de tous les dangers pour les premiers et celle de tous les espoirs pour les derniers... ». « Droug’ » a tout dit !

Laure Faÿ

Après le passage de la bouée au vent, les Figaro envoient le spi les uns après les autres

Photo : Ch.Guigueno / Pipof.com/voile

Echos du large

• Bouée Radio France : En avant Kito de Pavant !

C’est à 14h25, que les 52 skippers de La Solitaire Afflelou Le Figaro se sont lancés dans le vif du sujet de cette troisième étape Saint-Gilles-Croix-de-Vie/Gijon. Pressés d’en découdre et de se mesurer lors d’une première partie de bords à tirer en direction des Birvideaux (entre Groix et Belle-Île), Madame Annette Roux, présidente du Groupe Bénéteau, a donc dû donner un deuxième coup de canon, après un rappel général. Pas de blague, « Black Flag » pour toute la flotte : c’est en effet sous pavillon Zoulou (30% du temps de course en pénalité en cas de passage prématurée de la ligne) et pour calmer les ardeurs des solitaires que ce deuxième départ a été donné.

Sur la ligne, Bertrand de Broc (Aigle) et Kito de Pavant (Navy Lest) jouent à merveille du vent d’ouest nord-ouest de 10-12 nœuds qui donne le tempo. Sous le soleil et dans des conditions idéales en ce jour de troisième départ, ils sont les plus prompts à rentrer dans le rythme. Kito de Pavant va ensuite ouvrir la voie vers la bouée de dégagement. A cette première marque du parcours, long de 6 milles et de « type banane », il est talonné par Christian Bos (Raynal et Roquelaure) et Charles Caudrelier (Bostik Findley), Eric Drouglazet (Crédit Maritime-ZeroTwo), Nicolas Berenger (Paprec - CNEM)... Un bord sous spi plus tard, pour le « quinté » de tête, il fallait alors jouer dans l’ordre : Kito de Pavant, Charles Caudrelier, Eric Drouglazet, Nicolas Berenger et Gildas Morvan (Cercle Vert), nouveau venu aux avant-postes. Il reste un bord au reaching pour rallier la Bouée Radio France.

Ce pointage révèle que le trio de tête n’a rien lâché : De Pavant, Caudrelier, Drougazet, tel est le « tiercé » gagnant. Suivent dans l’ordre Thierry Chabagny (Le Caennais Blochon-Martin) et Nicolas Berenger. A noter que dans le camp des favoris et des leaders au classement général : Jérémie Beyou (Delta Dore) est passé 9^e, Armel Le Cléac’h (Foncia-TBS) 19^e, Dominic Vittet (ATAO Audio System), 31^e et Yann Eliès (Groupe Générali Assurances), 35^e. La troisième étape, « la belle » était lancée... et pouvait continuer de plus belle au louvoyage, pour rallier plus haut le phare de Birvideaux, avec un bord très favorable en bâbord.

Du vent devant... Un zeste de thermique et une pincée de mou, le tout aromatisé d’une petite dépression Atlantique : voilà - à priori - la sauce météo de cette troisième étape de La Solitaire Afflelou Le Figaro entre Saint-Gilles-Croix-de-Vie et Gijon. Mais une fois de plus, il fera bon être devant aux Birvideaux, avant de mettre le cap vers l’Espagne, via le Golfe de Gascogne. Le parcours côtier de 75 milles d’ouverture ne devrait pas être casse-tête. Les solitaires sont dans leur jardin, connaissent les coins et recoins des îles à doubler, les courants et contre-courants des moindres parcelles rocheuses et la brise thermique estivale est leur amie. La progression vers le nord de Belle-Île va se faire dans un régime de nord-ouest forcissant dans l’après-midi. Une fois le soleil couché, le thermique devrait se calmer et la brise de nuit prendre le relais. C’est une fois passée la marque en face de Quiberon que les choses doivent se compliquer. En effet, une zone de transition va être à traverser avant de toucher un flux d’est qui tournera progressivement au sud-est en se renforçant, signe annonciateur de l’arrivée de la perturbation Atlantique. Le golfe de Gascogne devrait être assez lentement avalé au vent de travers avant de toucher une bascule progressive au sud-est puis au sud-ouest avec l’arrivée de cette fameuse perturbation Atlantique. Le vent devrait alors grimper à 15 - 20 et 25 nœuds avec des rafales à 30. Est-ce que les marins auront terminé d’avaler le golfe de Gascogne ? Est-ce qu’ils privilégieront une route ouest pour toucher la bascule plus tôt et ouvrir les voiles vers la marque Burela, située à l’extrémité Ouest des terres espagnoles ? Est-ce que certains choisiront la route directe ou le versant sud du golfe de Gascogne ? Cette descente vers la pointe nord-ouest espagnole va être passionnante et intéressante, le terrain de jeu Jeu #jeu prenant des allures de vaste terrain vague avec ses filets dérivants et ses bateaux de pêche...

Pierrick Garenne

Kito de Pavant a pris le meilleur départ avant d’enrouler toutes les bouées en tête