CNTL-Marseille
Laurent Camprubi : "Tout je suite, je comprends que j’ai perdu la quille"
lundi 8 août 2022 –

15 secondes entre la performance et la survie
« J’étais en mode course, avec une balise qui donnait ma position à l’organisation Organisation #organisation toutes les 15 minutes. J’étais vraiment content, le bateau marchait super bien, et d’après mes calculs, il me restait 7 à 8 heures difficiles avant que tout se calme de manière significative. Je n’avais pas beaucoup dormi depuis deux jours, et j’étais dans mon pouf dans le cockpit en phase de repos » détaille le skipper « En fait, quand le bateau se retourne, ça va à une vitesse Vitesse #speedsailing incroyable. Tout je suite, je comprends que j’ai perdu la quille. Je n’ai pas du tout le temps de choquer la grand-voile que le mât est déjà dans l’eau. Il chavire en 10 à 15 seconds. Je suis à l’envers, retourné, avec l’eau qui rentre. J’essaye de fermer la porte, mais avec la puissance de l’eau, c’est juste impossible. Et puis voilà, l’histoire Histoire #histoire part de là. Je me retrouve comme ça et je me dis : mais non, je n’y crois pas, je rêve, c’est un cauchemar…On se s’attend pas ça quoi. »
Les difficultés s’accumulent
« Avant l’accident, la mer était tellement forte que mon réservoir de carburant avait cassé, et j’avais du gasoil à l’arrière du bateau. J’étais un peu nauséeux à cause de ça dès que j’entrais dans le bateau pour faire ma navigation ou analyser les fichier, il y avait une odeur terrible et du coup je n’avais pas bu ni mangé depuis 12 heures. »
Une situation que le retournement va empirer. Alors que le skipper arrive à récupérer et enfiler sa combinaison de survie dans l’eau qui a envahi l’habitacle retourné, puis a percuter ses balises de détresse – beaucoup de stress sans lunettes - l’eau est polluée par le gasoil et les émanations des batteries retournées. Il trouve refuge au niveau de la descente, cramponné à une poignée de ballast
« C’est difficile de se rendre compte de ce que j’ai vécu à l’intérieur avec la force infernale du ressac. Au bout d’une heure, tout était arraché à l’intérieur : l’électronique, même ce qui était stratifié et pas assez solide. Tout se transforme en objets dangereux qui venaient sur moi avec force. » Matériel de survie, VHF de secours, nourriture et eau : tous ces éléments flottants autour du skipper au moment du chavirage vont disparaître, faute de pouvoir les attacher où que ce soit, entrainant notamment une diète hydrique de plus de 16 heures.
Mes sauveteurs m’ont dit : « On a compris pourquoi tu étais vivant »
Mercredi, 12h30 : les plongeurs de la Salvamento Marítimo espagnole - qui a dépêché tous ses moyens sur zone dès le déclenchement du signal de détresse - arrivent sous le bateau qu’ils ont sécurisé à l’aide de ballons flottants. 18h après le chavirage, dans des conditions météo toujours difficiles, ils réussissent à localiser et accompagner le navigateur jusqu’à la surface, avant qu’il ne soit hélitreuillé et amené à l’hôpital de La Corogne pour hypothermie (température corporelle à 34°) et déshydratation.
« C’est fou ce que ça fait faire l’adrénaline. Les derniers mètres, je ne suis pas prêt de les oublier ! » avoue le navigateur pourvu une solide expérience de plongée et d’apnée qu’il pratique depuis des années en chasseur sous-marin « Quand j’ai débriefé avec mes sauveteurs - qui sont devenus mes amis - je leur ai dit que je m’attendais à ce qu’ils me donnent de l’air. Mais en fait, quand on m’a tiré la botte, j’ai mis toutes mes forces pour plonger dans l’eau malgré ma combinaison de survie qui a une forte flottabilité, et – à leur grande surprise - ils m’ont vu apparaitre sous l’eau hirsute, le poing en forme de victoire ! Donner un embout à ce moment-là est effectivement hyper risqué parce que si je le rate, je peux me noyer. Ils m’ont donc rattrapé, et m’ont mis la main sur le nez et la bouche pour éviter que j’ai un mauvais réflexe jusqu’à la surface de l’eau. »
Être au départ de la Route du Rhum Route du Rhum #RouteDuRhum
« Je le reconnais : dans un premier temps, ce n’était pas ma priorité. Certes, on fait un sport extrême, mais on n’y va pour des exploits sportifs, pas pour ça. Depuis vendredi soir, j’ai retrouvé ma famille et j’ai énormément échangé avec eux. Mon dernier fils, Paul, a trois mois, et j’avoue que de penser à lui m’a donné le plus de force pour tenir, car je ne me voyais pas l’abandonner. Je peux dire que j’ai réalisé que j’ai notamment une femme largement à la hauteur de l’exploit. C’est elle-même qui m’a dit « C’est ton souhait, je ne peux pas penser que tu n’ailles pas faire la Route du Rhum Route du Rhum #RouteDuRhum ». Du coup, je vais tout mettre en œuvre pour essayer d’y être. »
Le bateau a été remorqué jusqu’à La Corogne et retourné, il faut maintenant le rapatrier vers un chantier breton. La coque est intacte, mais le grément et l’intérieur entièrement à reconstruire. Pour mémoire, le bateau avait été préparé en 2022 à la Seyne sur Mer après une construction à Cape Town, en Afrique du Sud.
« Mon co-skipper, Edgar Vincens, a fait un boulot énorme. D’abord en soutien à ma famille, mais aussi en affirmant aux autorités que j’étais surement dedans alors qu’il y avait des réticences – contrairement aux secours qui n’ont jamais douté, et enfin en arrivant avec l’expert de l’assurance pour analyser ce qui s’était passé. On est dans une course contre la montre pour savoir si le bateau pourra être prêt. » Mais la quête du marin est également collaborative « Je partage mes informations avec les coureurs parce que tout le monde s’est un peu mis en stand-by pour savoir ce qui s’est passé. Tout ceux qui me connaissent savent que j’ai une certaine énergie. Je vais la mettre au service de la communauté pour qu’on arrête de jouer avec la vie des gens ».
Communiqué Maguelonne Turcat
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