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Recherche climatique

Gulf Stream : "la circulation atlantique se serait affaiblie de 20% depuis l’ère préindustrielle"

mardi 4 avril 2023Redaction SSS [Source RP]

Une étude de l’Université de Berne a conclu que, contrairement à ce que l’on supposait jusque-là, les courants marins circulant dans l’océan Atlantique et responsables du climat doux en Europe, ne se sont pas complètement arrêtés à la fin de la dernière période glaciaire. Une découverte non sans conséquences sur les débats menés autour des points de basculement climatiques.

Le changement climatique n’est pas linéaire. Une fonte des glaces en Antarctique ou la disparition de la forêt amazonienne aurait des conséquences irréversibles pour le système terrestre. Si ces seuils appelés points de basculement venaient à être déclenchés, le climat connaîtrait un changement abrupt en raison des boucles de rétroaction et des effets en cascade. Le système se réorganiserait, passant à un nouvel état stable, et ne reviendrait pas à son état initial.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a identifié 15 points de basculement de ce type. L’un d’eux, qui aurait des conséquences désastreuses à l’échelle globale, serait un arrêt de la circulation océanique de l’Atlantique Nord, dont fait partie le Gulf Stream. Ces courants marins redistribuent chaleur, oxygène et nutriments dans l’Atlantique et contribuent à la douceur du climat en Europe. La question de savoir à quel point nous sommes proches de certains points de basculement et si nous en avons déjà franchis suscite actuellement de vifs débats dans le milieu des climatologues.

Désormais, une étude réalisée à l’Université de Berne, qui vient d’être publiée dans la revue scientifique « Nature Geoscience », apporte de nouveaux éléments au débat. La conclusion majeure de l’étude : dans le passé, la circulation atlantique a réagi de manière moins sensible aux changements climatiques que ce que l’on pensait. Cependant, d’après les chercheurs, ce n’est pas pour autant une raison de lever l’état d’alerte au regard de la situation actuelle.

Jamais le climat n’avait connu un changement si rapide

« Jusque-là, on supposait que ce point de basculement avait été largement franchi lors du passage de la dernière glaciation à la période tempérée actuelle il y a près de 15 000 ans », a affirmé Frerk Pöppelmeier, principal auteur de l’étude. « Or, nos recherches révèlent désormais que ce ralentissement de la circulation océanique de l’Atlantique était bien moins fort que ce que l’on pensait. » Cependant, selon F. Pöppelmeier, qui travaille avec une bourse postdoctorale Marie Curie au Département de physique climatique et environnementale et qui est membre du Centre Oeschger pour la recherche climatique de l’Université de Berne, on ne peut dire quelles conséquences ces résultats auront pour l’avenir.

Pour l’heure, les processus à l’origine du déclenchement d’un point de basculement de la circulation océanique de l’Atlantique Nord ne sont pas totalement compris. Toutefois, il est certain que la situation actuelle diffère complètement de celle qui régnait à la fin de la dernière période glaciaire. On peut citer notamment le rythme nettement plus rapide des changements climatiques provoqués actuellement par l’être humain. « Les activités humaines ont conduit la Terre dans un état sans précédent dans son histoire Histoire #histoire connue. Par conséquent, il est difficile de prédire l’évolution future des points de basculement », a souligné Frerk Pöppelmeier, géoscientifique. Cependant, certains signes montrent que la circulation atlantique se serait affaiblie de 20 pour cent depuis l’ère préindustrielle et qu’elle pourrait donc se rapprocher d’un point de basculement.

L’état d’alerte pour l’actuel changement climatique n’est pas levé

D’après les auteurs de l’étude, il ne serait donc pas opportun de lever l’état d’alerte. Si cette étude de l’Université de Berne montre que la fonte des glaces au Groenland aura, dans un avenir proche, un impact nettement moins négatif que supposé sur la circulation océanique de l’Atlantique, d’autres facteurs, qui permettent d’amener de grandes quantités d’eau fraîche dans l’Atlantique et qui affectent la circulation, pourraient à l’inverse jouer un rôle déterminant. C’est le cas, par exemple, de l’impressionnante fonte de la banquise, du changement des vents et de l’intensification du cycle de l’eau.

Pour leur étude, les chercheurs bernois ont examiné des carottes de sédiments marins afin d’obtenir des informations sur le climat passé qu’ils ont associées à des simulations. Les changements connus par la circulation atlantique depuis la dernière glaciation ont été reproduits à l’aide de plusieurs proxies géochimiques (des indicateurs climatiques indirects issus des archives naturelles). Le rapport isotopique de différents éléments dans les carottes sédimentaires renseigne sur la puissance des courants et l’origine des masses d’eau dans l’Atlantique.

Le modèle « Bern3D » mis au point par l’Université de Berne, qui simule également ces proxies, a ensuite permis d’étudier l’impact de ces facteurs perturbateurs sur la circulation atlantique. La comparaison directe entre les reconstitutions et les simulations a finalement révélé clairement que, contrairement à ce que l’on pensait jusque-là, le courant océanique de l’Atlantique ne s’est pas complètement arrêté à la fin de la dernière période glaciaire.

D’autres éléments de recherche sur les points de basculement climatiques sont nécessaires

L’étude menée par Frerk Pöppelmeier et ses collègues s’est focalisée sur l’impact de la fonte de la calotte glaciaire sur la puissance de la circulation atlantique. Pour identifier l’importance d’autres facteurs d’influence tels que la banquise et les conditions de vent, d’autres travaux de recherche sont nécessaires. C’est aussi le cas pour comprendre les points de basculement climatiques d’une manière générale. Thomas Stocker, physicien et climatologue du Centre Oeschger pour la recherche climatique de l’Université de Berne, qui a également participé à cette étude, avance que les connaissances actuelles des scientifiques sur les points de basculement ne suffisent pas pour affirmer à quel point nous sommes proches aujourd’hui de ces seuils. « L’état actuel de la recherche ne permet pas de trancher la question », a-t-il déclaré. Aussi, Thomas Stocker recommande-t-il au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de dresser un rapport spécial sur les points de basculement et leurs effets potentiels. « Cela garantirait », a-t-il expliqué, « que les scientifiques aboutissent à un consensus solide. »


- Communiqué Université de Berne / Centre Oeschger pour la recherche climatique / www.oeschger.unibe.ch


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