3 Questions Net A
Ollivier Bordeau : “Le labo aujourd’hui, c’est le monde des 60 pieds Open”
Suite du débat sur les mâts en carbone en Mini
jeudi 13 décembre 2001 –
Le patron du chantier naval Latitude 48°24’ répond, à son tour et sur le ton de l’humour, sur l’opportunité d’ouvrir la jauge des 650 prototypes aux tubes en carbone.
Rappelons (sans prendre partie), que le tube en carbone est l’une des rares pièces d’un mini prototype dont une mise en oeuvre en carbone n’est pas encore autorisée. Un prototype vainqueur de la mini depuis trois éditions possède une coque, un voile de quille, des safrans et même des barres de flèche en carbone. Le tout pour un coût de fabrication entre 500 et 800 000 FF.
1. Quel est l’intérêt principal d’autoriser les prototypes d’utiliser un mât en carbone plutôt qu’un mât en aluminium ?
– L’intérêt principal c’est le gain de poids et donc en performances... Dois-je rappeler qu’il s’agit de bateaux de course et de prototypes ?
Mais il y a un autre intérêt : depuis 1977, on dit que la Mini-Transat est un véritable petit laboratoire pour les bateaux de course et même de plaisance. Citons : les doubles safrans sur le Bénéteau 210 ou les quilles pendulaires sur les 60 pieds par exemple. C’était vrai jusqu’en 1995. Le labo aujourd’hui, c’est le monde des 60 pieds Open. Je pense que la profonde réforme de la jauge en 1994 a un peu bloqué le développent et les innovations.
Or je fais partie des gens qui s’intéressent aux Minis pour leur mise au point et le développement qu’ils permettent. Et je trouve dommage (dommage cela ne veut pas dire ‘nul’, ‘ridicule’, ‘scandaleux’, etc. Cela veut dire ‘dommage !’) que nous ne puissions participer aux fantastiques innovations des gréements. Mais pour "jouer" avec les gréements cela sous entend un tube en composite...
2. Quel surcoût cela va occasionner par rapport à un espar en aluminium classique ?
– Vous parlez de carbone comme s’il n’y avait qu’une seule fibre à module unique...
Entre un mât en voie humide avec de la T300 et un mât en autoclave avec de la Pitch (‘au chocolat’), ce n’est pas vraiment la même raideur, le même poids, la même mise en oeuvre et donc le même prix... Je suis fabricant de pièces composite, alors évidemment devinez ce que je préfère...
Imaginons... On limite le poids au mètre à environ 1kg : pour 12m cela fait donc 12kg. Jusque là tout le monde suit bien ? Une pièce comme cela coûtera ENVIRON 2000 F/kg soit 24000 F.
Un tube en alu qui ne démâte pas (toute référence à du matériel moins cher ne serait que pure coïncidence...) coûte environ 5000 F (Eh oui, il ne faut pas oublier la tête de mât mécano soudée et le manchon doublé dans le bas...). Soit une différence de 19000 F. Soit environ 3.5% du prix d’un proto dernière génération. Vous n’êtes pas d’accord ? Vous avez raison je balance des chiffres comme ça... et d’abord qu’est que j’y connais moi en composite...
3. Est-il possible pour un skipper de fabriquer lui-même son propre mât en carbone ?
– C’est évidemment un argument qui fais rêver... Si je dis que c’est possible, on va me traiter de démago. Si je dis que ce n’est pas possible, on va me faire remarquer que je suis un pro qui cherche à vendre sa came...
OUI, c’est possible de faire un mât dans un garage avec de la fibre HR en voie humide, un drappage douteux, une hygrométrie et une température limites... tout cela pour un mât plus lourd que de l’alu ou qui va tomber vite (là je cherche à vendre ma came c’est clair, non ?).
De même que l’on peut faire un bateau carbone dans son garage (je l’ai fait à mes débuts !). Mais lorsque c’est bien fait (il y en a eu quelques uns quand même) la méthode de travail et les conditions ressemblaient plutôt à quelque chose de professionnel.
Ollivier Bordeau a participé à la Mini-Transat 1989 sur un mini en bois moulé. Il a construit son premier prototype en CP dont est inspiré l’actuel Ti-Zef qu’il construit en série à Brest. Il a aussi construit de nombreux prototypes de course en verre (Créaline, Pour que l’océan reste bleu) et en carbone (Monica Liquid). Photo : Ch.Guigueno