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Histoires de minis

Ma Mini 2005 par Arezki Boudaoud

"Je coupe la ligne après 23 jours de mer, en 12e position parmi les 30 voiliers de série"

lundi 13 août 2007SeaSailSurfnaute

Toujours chercheur au CNRS, Arezki Boudaoud nous raconte sa Mini 2005 sur son Super Calin, Totem. Après quelques courses pour passer la main à son copropriétaire engagé dans la Mini 2007, il écume maintenant les courses du RORC en tant que navigateur d’un Dufour 34. Les podiums collectionnés (3e Cervantes Trophy, 1er Morgan Cup et 2e Cowes-Dinard, en IRC3) sont de bon augure pour le Fastnet, départ le 12 août.

PREMIERE ETAPE

Le départ : La pression monte graduellement - je n’ai pas le temps de tout préparer comme je le souhaite - les réunions et formations se succèdent. La 3e place du Prologue (en équipage) me met de bonne humeur bien que ce soit un peu un hold-up : la pétole favorise le Super Calin et nous avions pris une option tactique radicale. Je suis content de pouvoir bien dormir la dernière nuit. Quand nous quittons la Rochelle, les quais sont noirs de monde - je ne m’y attendais pas et cela me tend un peu ; je réalise que je pars pour une grande aventure Aventure . Le plan d’eau est noir de bateaux spectateurs sur l’eau. Après un tour jusqu’à Fort Boyard, nous laissons l’île d’Oléron à bâbord la course commence vraiment.

Première nuit : Je gère très mal le début de course. J’ai décidé de partir un peu à droite de la route directe pour anticiper la rotation du vent vers l’est. Le vent forcit graduellement à force 6-7 ; Totem navigue à plus de 10 noeuds de moyenne avec des pointes à 16 ou 17 noeuds, il enfourne un peu et l’eau recouvre régulièrement le pont. Au troisième départ au lof et après sept heures à la barre, je suis bien fatigué et j’affale laborieusement le spinnaker. Après, Totem roule terriblement et j’en attrape le mal de mer ce qui fait que je tarde à renvoyer de la toile. J’aurais dû simplement abattre et mettre le pilote automatique - je ne savais pas encore qu’il se serait très bien débrouillé car je manquais de pratique dans ces conditions, d’ailleurs Totem fera plus tard des pointes à plus de 15 noeuds sous pilote automatique.

Deuxième journée : La fin du Golfe de Gascogne approche et je commence à prendre le rythme du large. Après avoir affalé le grand spinnaker (pour passer au petit spinnaker), je lève les yeux et j’aperçois le câble de guignol qui pend hors de son logement ; grande frayeur ! Je dois grimper immédiatement. Le temps que je m’équipe, le ridoir s’est dévissé et est tombé à l’eau. Je prends un bout et je l’attache au baudrier. Une fois en haut, ça bouge horriblement (il y a deux mètres de creux), le câble du guignol fait une dizaine de tours autour des bastaques et le bout s’est détaché du baudrier ! Heureusement il me reste un autre bout (qui ne convient pas) et je m’en sers pour fixer le câble de sorte que il ne s’enroule pas sur autre chose. Quand je redescends, je vide mon estomac par dessus bord, remets Totem en route et m’allonge pour 4 heures, épuisé. Une fois un peu reposé, je renvoie le petit spi et je réfléchis à la suite : une escale pour réparer me ferait perdre plein de temps, je ne porterai plus le grand spi et je remonterai au mât si les conditions se calment.

Troisième journée : Fatigué, j’ai mal préparé le passage du cap Finistère que je double de trop près et je me retrouve dans une zone sans vent. Je fais de l’ouest pendant quatre heures, quasiment à la perpendiculaire de la route, pour m’en dégager.

Quatrième journée : J’ai pris le rythme ; je me suis accoutumé à aller dormir alors que la quille vrombit dans les pointes de vitesse Vitesse #speedsailing . La vie à bord est rythmée par les repas, les vacations radio avec les bateaux accompagnateurs (8h et 19h TU), la météo (11h TU) Je me fais un petit plaisir en déjeunant d’une salade fraîche ; Totem surfe sous pilote et des dauphins jouent autour je me sens en harmonie avec le bateau et la mer. J’ai aussi vu mes premiers poissons volants.

Arrivée : Première terre depuis le cap Finistère ; on retrouve un peu l’émotion des navigateurs-explorateurs de la Renaissance. Lanzarote est une île volcanique aride ; des villages-oasis blanc-vert ponctuent le paysage. Je coupe la ligne d’arrivée après 8 jours de course ; tous les records sont battus à cette édition : nous avons eu des vents portants soutenus pendant toute l’étape. Nous sommes 18e sur 30 en bateaux de série ; je ne suis pas mécontent : je m’attendais à pire, vu que Totem était handicapé. L’escale est consacrée au repos, à la remise en état de Totem et à un peu de tourisme.

DEUXIEME ETAPE

Départ : Nous tirons des bords dans des vents de secteur sud. Le but du jeu Jeu #jeu est d’atteindre au plus vite les alizés, de l’autre côté d’une zone sans vent. Je ne comprends pas pourquoi je suis un peu largué après un jour de course apparemment le vent est très variable sur le plan d’eau.

Au large du Sahara Occidental : Je me retrouve assez près de la côte ; il faut être vigilant : il y a plein de pêcheurs. Le matin, le vent tombe complètement et Totem est à l’arrêt. Un bateau gris s’approche et se met en panne à quelques dizaines de mètres, une rangée de quatre paires de jumelles m’observe ; il s’agit de la Marine Marine Marine nationale marocaine. Je les appelle à la VHF et je leur explique que je suis en course ; des questions s’en suivent "Avez-vous un problème ?", "De quelle nationalité ?", "Où est votre drapeau ?". Ils repartent et le vent s’établit peu après.

Au large de la Mauritanie : Une dépression est établie sur la Mauritanie, il fait gris et le vent est très instable : les manoeuvres se succèdent. Ce n’est que bien tard que l’on atteint vraiment les alizés qui sont assez mous.

Avant l’Archipel du Cap Vert : J’entends à la radio les avaries qui se succèdent : démâtage, safrans brisés, spis déchirés. Mon moral en prend un coup et je lève un peu le pied : je passe 24 heures 24 heures Record de distance parcourue sur 24 heures sous petit spi alors que je pouvais largement tenir le grand. Le vent mollit encore et je me sens à nouveau en course, surtout que je viens d’apercevoir le premier concurrent depuis le lendemain du départ ; Fabrice et moi naviguerons à portée de VHF jusqu’au Pot-au-Noir.

Archipel du Cap Vert : Je n’ai vu aucune île ! Malheureusement, cela fait partie de la bonne tactique : les îles sont hautes et occultent le vent sur une cinquataine de milles. Comme le vent est mou, je choisis d’emprunter la grande passe, entre les îles au vent et les îles sous le vent afin d’avoir le vent le plus régulier ; ce qui me fait gagner 2 ou 3 places.

Le Pot-au-Noir : ou Zone de Convergence Inter Tropicale, la zone de transition entre les alizés de l’hémisphère nord et les alizés de l’hémisphère sud, où des périodes sans vent alternent avec des orages. C’était pour moi la grande inconnue du parcours. Comme la météo annonce qu’il est peu actif, je décide de le passer plus à l’est que prévu (27 degrés de longitude). Le premier grain au milieu de la nuit me réveille pour aller réduire la toile je suis surpris de trouver un autre concurrent qui me double dans la journée ; je ne le reverrai plus du tout : Eric arrivera un jour après moi. Le grand moment d’inspiration sera pour la fin de la première journée : j’examine le ciel et je vise le milieu de la zone la plus claire. Le Pot-au-Noir est relativement clément pendant les 2 jours suivants, les grains sont modérés et il y a assez de vent pour avancer dans les calmes. Nous sommes au près ; je choisis le bord rapprochant et je tire des contre-bords pour me dégager des calmes ou profiter des accélérations du vent sous les nuages. Le dernier jour est désagréable surtout à cause de l’humidité : si l’on met le ciré on est mouillé par la transpiration, si on l’enlève on est mouillé par les embruns et la pluie ; l’intérieur est tellement humide que l’on transpire même allongé. Six heures de sur-place puis un dernier grain et je sors du Pot-au-Noir

Vers l’équateur : A la sortie du Pot-au-Noir, nous sommes au près et sous la route ; je gamberge deux jours à me demander s’il faut tirer un contre-bord mais finalement le vent adonne assez pour viser Fernando de Noronhia, archipel au large du Brésil que l’on doit laisser à tribord. J’écope plein d’eau dans les fonds et le bateau commence à sécher. Le premier contact radio (avec un bateau accompagnateur) depuis 5 jours est bien agréable : sous l’effet de la fatigue du Pot-au-Noir, je commençais à prendre tous les bruits anormaux pour des voix. Je respecte (partiellement) la tradition et je fête le passage de l’équateur en partageant un jus de fruit et des noix de cajou avec Neptune.

En approche du Brésil : Première nuit au bord du plateau continental, marqué par une suite de lumières espacées d’une centaine de mètres ; il s’agit de pêcheurs qui s’aventurent bien loin sur leurs frêles jangadas. Le vent tourne progressivement et nous nous retrouvons à tirer des bords au portant. L’avant dernière nuit, je fais ma seule erreur météo de la seconde étape : je reste au large du Brésil alors qu’il y a plus de vent à la côte. Cela ne change rien au classement de l’étape, mais j’aurais pu encore gagner une ou deux places au cumul des deux étapes.

Arrivée : En fin de nuit, le vent tombe et l’approche de Salvador est bien lente. Au petit matin, j’entre dans la Baie de tous les Saints ; j’ai le temps de profiter du paysage car le courant est contraire (marée descendante). Je suis tout surpris de voir une vedette et deux zodiacs, en comité d’accueil. Je coupe la ligne après 23 jours de mer, en 12e position parmi les 30 voiliers de série (4e parmi les 14 bateaux de l’ancienne génération et j’en bats plusieurs de la nouvelle), je suis content de ma navigation et heureux d’arriver de l’autre côté. Bilan des courses : 15e au général (cumul des temps des deux étapes). Une fois à quai, de voir autant de monde me fait un drôle d’effet. Le retour au travail va être difficile !

Epilogue : Je me repose et fais un peu de tourisme. Le Brésil est pauvre - il vaut mieux éviter la provocation en étalant ses "richesses" - mais c’est un magnifique pays et les Brésiliens sont très gentils... un geste national : le pouce levé en l’air (signe que tout va bien). Les derniers jours de mon séjour sont consacrés au démontage de Totem et à son chargement dans le hangar où il va attendre le cargo qui le ramène en France. Les manutentions s’avèrent impressionnantes.  ????????



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