Boulogne-sur-Mer/Crosshaven (437 milles) : Le suspense ne fait que commencer 4 août 2002. C’est parti pour la 33^e édition de La Solitaire du Figaro Solitaire du Figaro #LaSolitaire et cela commence par une sacrée paire de Manche, le temps d’une traversée dans les petits airs, au dédale des rails encombrés par la circulation des cargos. A suivre un long parcours le long des côtes sud de l’Angleterre : Beachy Head, île de Wight, Eddy Stones, Falmouth, cap Lizard, Land’s End au gré des vents légers et des courants ! Il y a des airs d’accordéon dans l’air et des resserrements incessants de flotte le temps de 290 milles de régate pure et dure, jusqu’à fond de baies ! Dans les hauts des relevés Argos, cinq skippers se volent la vedette : Gildas Morvan (Cercle Vert), Eric Drouglazet (David Olivier), forcément. Mais déjà pointent aux avant-postes Kito de Pavant (Malice), Charles Caudrelier (Bastik Findley) et surtout Antoine Koch (Saunier Duval), qui se faufile au large au moment d’entamer la remontée de la Mer Celtique chahutée, comme à son habitude. Tout en finesse. L’un des benjamins de la course, au près serré va maintenir ses adversaires à distance. A l’aube au large de l’Irlande Antoine Koch ricoche en tête. Il s’offre la victoire à l’issue de la première étape qui se solde avec des écarts infimes. Le ton est donné. La suite s’annonce serrée, serrée et tous les coups tactiques seront bien permis entre les solitaires qui naviguent au somment de leur art.

Crosshaven/Les Sables d’Olonne (439 milles) : D’Yeu est là ! Avec un gagnant et bien peu de perdants qui se tiennent à une poignée de minutes, voire quelques secondes, le coup d’envoi de la deuxième étape donne un nouveau départ. Musclé cette fois. C’est du nord-ouest de 25 noeuds que les concurrents vont mettre dans leurs voiles pour dévaler la Mer Celtique qui fait le gros dos. De quoi faire le bonheur des spécialistes des longues glissades. « A la dure, à la Droug‚ », dit-on sur les pontons irlandais tellement le programme annonce un remake de l’ultime étape de la précédente édition, quand le coriace skipper avait décroché son titre, dévorant les milles le spi hissé haut. Après une folle cavalcade nocturne, le vent calme ses ardeurs et c’est sur un tout autre registre que se poursuit l’étape au ras des côtes bretonnes puis vendéennes. Place à la pétole et aux arrêts buffet qui réduisent à néants les écarts construits dans la brise. A Ouessant, on voit Gildas Morvan et Eric Drouglazet en chefs de file. A Sein, on voit les skippers regroupés dans un mouchoir de milles jeter la pioche pour ne plus reculer ! Dans des bouffées asthmatiques, Eric Drouglazet et Yann Eliès (Groupe Generali Assurances) tenteront de s’échapper. C’est sans compter avec l’île d’Yeu, qui décidera du dénouement. On connaît la suite : tandis que les premiers entament leur chemin de croix par l’intérieur, quelques concurrents entendent la voix du vent plus soutenu à l’extérieur. La messe nautique est dite : Sébastien Audigane (Sport Sans Frontières) remporte l’étape. Dans la foulée, les trois quadras - Kito de Pavant, Philippe Vicariot (Thales) et Gilles Chiorri (32 01 de Météo Consult) - occupent les trois premières places au général.

Les Sables d’Olonne - Gijon (350 milles) : Un nouveau roi d’Espagne Au départ, les cartes et modèles s’accordent pour annoncer de la pétole persistante. Le parcours le plus court, composé d’une remontée côtière au ras des cailloux jusqu’à Belle-Île avant une belle descente en Gascogne jusqu’à Gijon, menace de traîner en longueur et de mettre les réflexes tactiques des solitaires à rude épreuve. Mais Eole pointera le bout des ses vents légers. D’emblée deux écoles s’affrontent au moment de planter les étraves au nord : d’un côté les partisans du large et de l’autre les adeptes des côtes. Les Poulains donneront un verdict sans appel : les maestros du Figaro Bénéteau - Eric Drouglazet et surtout Gildas Morvan, empêtrés dans leur option terre, voient la flotte prendre la poudre d’escampette au moment d’entamer la longue glissade de 250 milles vers les Asturies. Le spi gonflé d’ambitions, Charles Caudrelier, suivi comme son ombre par Erwan Tabarly (Thales - Armor Lux), Vincent Riou (PRB) et Kito de Pavant (toujours présent !) se voit couronner d’une belle victoire dans la nuit noire espagnole. Impérial ! Au tiercé du classement général, il fallait jouer : Kito de Pavant, Charles Caudrelier et Gilles Chiorri. Mais trois étapes plus tard, rien n’est toujours joué. Rien ne va plus alors qu’il ne reste plus que 465 milles à parcourir, faites vos jeux !

Gijon-Cherbourg (465 milles) : Holà pour Kito le héros ! Sur les pontons de Gijon, les skippers sur-motivés par les enjeux de l’ultime étape et les longs bords de près au menu annoncent une copieuse bataille navale. A coups de virements de bords hautement stratégiques. Ambiance guerre du Golfe, dans la mer dans tous ses états, pour départager tous les prétendants aux honneurs finaux. Mais à Ouessant, on n’en sait guère plus. Si ce n’est qu’Eric Drouglazet, Jérémie Beyou (Delta Dore), Thierry Chabagny (Petit Navire) et toute la compagnie bretonne n’a pas son pareil pour faire le dos rond. Quant à Kito de Pavant, s’il a bien failli perdre ses plus beaux espoirs dans les mailles d’un casier coincé sous sa quille, il s’accroche ! Reste à retrousser la Manche au gré d’un parcours libre aux détours des Anglo-Normandes et des courants survolés. Très audacieux dans ses choix, Ronan Guérin (Saint-Nazaire - Escal’Atlantique) se faufile en tête et mène son monde alors que le suspense se fait plus plaisant. Viendra l’heure d‚aborder le Raz Blanchard, arbitre désigné de l’étape et de la course dont le sort va se jouer dans les derniers milles. C’est bientôt la fin. Kito de Pavant a laissé ses plus coriaces concurrents au classement général dans son tableau arrière et Yann Eliès, bien inspiré pour voler la vedette à son copain Guérin, peut offrir la victoire d’étape à son petit Titouan, né pendant l’escale de Gijon. A Cherbourg, Kito pleure - de joie et de fatigue - au moment de recevoir tous les honneurs. Happy End !

Laure Faÿ