Vendée Globe • S12
Vincent Riou approche des Sables sous la menace Le Cam - Golding
Une douzième semaine autour du monde sous le signe du yoyo pour le trio de tête
dimanche 30 janvier 2005 –
,Vincent Riou a-t-il-course gagnée lors de cette avant dernière semaine de course ? Parfois oui. Parfois non ! Le trio de tête revient sur l’Europe en contournant un anticyclone qui leur barre la route directe vers les Sables. Les trois skippers doivent donc mener leurs monocoques au près, tribord amure, en faisant le tour de ce rond point géant. Plus au nord, plus à l’ouest, PRB creuse son avance puis en perd. Au fur et à mesuure qu’il grimpe l’Atlantique, il s’éloigne de la route directe. Pendant ce temps, ses deux adversaires tentent de couper au plus court, au risque de trouver moins de vent au centre de la haute pression. Qui va gagner le Vendée Globe ? A terme de cette 12e semaine intense, impossible de le savoir. C’est l’anticyclone et le golfe de Gascogne qui va en décider. Ou tout du moins celui dont la tactique d’aterrissage se sera révélée la bonne...
Dimanche 23 janvier : Troisième casse de drisse de grand-voile pour Mike Golding • Anne Liardet est la plus rapide de la flotte !
« Comme je suis joueur, je suis prêt à parier dix euros que Mike a un problème avec son solent ? »... La phrase est de Jean Le Cam (Bonduelle) surpris des performances d’Ecover dans le vent médium. Car, à la lecture des classements, personne ne s’était aperçu de rien, sauf Jean Le Cam, légèrement surpris de contenir aussi facilement le performant Ecover. Mais voilà, pour la sixième fois depuis le début de ce Vendée Globe, Mike Golding a dû grimper dans son mât pour remplacer sa drisse de grand-voile qui a cédée une troisième fois en douze jours. « C’était peu avant la nuit de vendredi dernier. Je suis resté seulement deux heures avec la grand-voile affalée, mais la réparation m’a pris en tout 22 heures ».
Se servant de sa drisse de gennaker pour hisser sa voile principale au niveau du premier ris afin d’éviter les milles perdus, Mike a ensuite essayé de comprendre avec l’aide de son équipe à terre les causes des ruptures successives de cette drisse capitale. « Je ne pense pas que cela vienne du bateau mais bien du cordage. Aussi, cette fois, j’ai mis une drisse de plus forte section, cela devrait tenir. Elle supporte une charge de 4 tonnes de plus (ndlr, 12 tonnes au lieu de 8). Là, je suis plus rassuré maintenant et j’ai confiance dans cette nouvelle drisse ». Bien poussé par son équipe à terre, Mike a donc une fois de plus trouvé l’énergie nécessaire hier pour entreprendre cette délicate ascension dans la mer agitée par l’alizé. L’on comprend mieux pourquoi l’Anglais ne souhaitait pas répondre à la vacation radio d’hier, lui qui a horreur de monter dans ce mât de 26 mètres de haut. Mais aux classements, les faits sont là : Mike ne pointe à 16 heures qu’à 39,5 milles de Bonduelle et à 167,9 milles de PRB, cette nouvelle casse étant presque passée du coup... inaperçue ! Chapeau Mike...
« Je suis le premier à me rapprocher de l’anticyclone c’est donc logique que Bonduelle et Ecover me reprennent quelques milles. Cela devrait durer encore 24 heures... ». 173,4 milles d’avance sur Jean Le Cam au classement de 16 heures hier pour 128,4 milles ce jour : rien à dire cela tamponne par devant et Vincent est le premier à toucher les mauvais effets de cette masse d’air chaud qu’il va contourner par l’ouest afin d’y chercher les vents portants. « Nous avons deux bulles anticycloniques à négocier. Il ne faudra pas se tromper. Nous allons d’abord naviguer sur la bordure ouest d’un anticyclone puis nous en aurons un autre à traverser par le sud. C’est sûr, c’est une situation anticyclonique mais a priori, il y a tout le temps du gradient. A priori, il n’y a pas d’option à l’est et la route ouest n’est pas trop extrême ». La situation semble donc bien sous le contrôle du marin de Loctudy. Pour rappel, une situation conforme à ce qu’il analysait déjà hier... « Une fois sur cette bordure ouest du premier anticyclone, nous allons monter vers une deuxième bulle placée actuellement sur l’Irlande. Le vent refusera alors et on devra ressortir au près pour finir vent de travers vers les Sables d’Olonne ». Mais si tout semble simple, rien n’est pour autant joué. Et si à terme les options tactiques risquent de se révéler moins déterminantes, tout peut se jouer maintenant sur le potentiel vitesse des bateaux et la capacité physique des coursiers à être poussé à 100% de leurs possibilités après 78 jours de mer. Le dernier sprint va être passionnant d’autant que Mike Golding a retrouvé toutes ses ailes !
– Vincent Riou (PRB) : « Cette nuit, c’était un peu le bazar, le vent était assez irrégulier. J’ai même eu un moment 5-6 nœuds de vent. Là, cela revient tranquillement. J’ai entre 12 et 13 nœuds. L’avenir a l’air de se présenter plutôt bien donc je ne vais pas me plaindre. Les conditions météo, si elles restent conformes aux prévisions actuelles, sont plutôt sympa. On a encore 8 à 10 jours à passer en course. Ce qui m’intéresse en priorité c’est de savoir comment nous allons faire le tour de cette bulle. Les pièges sont là, il ne faut pas se laisser déconcentrer ».
– Jean Le Cam (Bonduelle) : « Bonduelle carbure pas mal à ces allures-là ! Il va y avoir moins de vent devant et plus de refus. Cela permet de recoller... De combien je vais revenir encore ? Un maximum j’espère ! Ensuite, on va voir comment va évoluer la situation. Mais à mon avis, on n’est pas encore aux Sables d’Olonne ! Cette nuit, j’ai eu un vrai bombardement. Un vrai champ de bataille, c’était horrible ce matin... Il y avait des cadavres de poissons volants partout... Je les ai remis à l’eau un à un avec une petite couverture à chacun dessus (ndlr, comme le veut la tradition dans la marine) ».
– Conrad Humphreys (Hellomoto) : « Bonne vitesse après ces trois jours difficiles au près. J’espère avoir de bonnes conditions comme aujourd’hui pendant quelques jours encore. Dans quelques heures, je serai sorti des 40e. La température a augmenté et tout redevient plus facile. Là, maintenant je suis sous gennaker et cela avance vite. En repartant d’Afrique du Sud, je m’étais dit qu’il fallait que j’arrive avant le 13 février, date de mon anniversaire... Mais ce ne sera pas possible, je pense que ce sera que mon arrivée sera vers le 18 février ! Je serai quelque part dans l’Atlantique pour mon anniversaire... »
– Mike Golding (Ecover) : « J’ai cassé une fois de plus ma drisse de grand-voile dans la nuit du 21 janvier. Je suis resté au contact avec les premiers et je suis même étonné que Bonduelle n’ait pas pris plus de milles. Est-ce que Bonduelle n’aurait pas un problème ? Ma motivation ? Je suis venu dans cette course pour la gagner pas pour terminer 3e ! »
– Sébastien Josse (VMI) : « Il n’y a pas beaucoup de vent donc mon éolienne n’a pas beaucoup tourné. Du coup, j’ai beaucoup barré cette nuit et il fallait être dessus pour que le spi ne se dégonfle pas. Hier, sur les fichiers, je voyais un Pot-au-Noir pas trop mal ».
Lundi 24 janvier : Plus que 79 milles d’avance sur Le Cam pour Riou au 79e jour
Au nombre des qualités de Vincent Riou (PRB), force est de constater que le Finistérien est doté d’un calme et d’une sérénité exemplaires ! Les 173 milles d’écart avec Jean Le Cam (Bonduelle) que le leader comptait il y a 48 heures se sont transformés en 79 milles à 16 heures ce jour. Même tendance pour Mike Golding (Ecover) qui comptait avant-hier 210 milles et qui se trouve aujourd’hui à 111 milles dans le sillage du bateau orange. Mais, choseimportante à souligner : si les milles fondent au classement établi sur la route théorique, l’écart en latitude Nord, soit 3°, reste le même depuis plusieurs jours traduisant de ce fait un écart de 180 milles.
« Je ne regarde pas les écarts, je regarde plus les latitudes... Mais ce soir, cela devrait aller mieux et devrait tourner tout doucement » explique tranquillement Vincent à la vacation du jour. « Je suis plutôt satisfait du positionnement. C’est sûr que le classement sur la route directe n’est pas terrible mais moi cela me va bien. C’est à eux de jouer, ce n’est pas à moi ! ». Toujours est-il que l’attente doit commencer à être longue dans ce vent refusant (de face) et mollissant pour Vincent qui espère logiquement ouvrir les voiles et toucher un flux de secteur sud dominant dans les heures qui viennent. Une rotation salvatrice du vent en se glissant sur la bordure ouest de l’anticyclone situé devant qui, comme dans les livres, occasionnerait un bel effet d’accordéon vis-à-vis de ses deux fidèles poissons-pilotes. C’est ce fameux « coup de pied au cul » dont parle Jean Le Cam (Bonduelle) et qui propulserait alors PRB vers le nord et petit à petit sur la route directe. Pendant ce temps-là, Bonduelle et Ecover se contentent de ce qu’ils ont en grappillant des milles dans un alizé instable et en faisant du cap dans l’espoir de toucher cette rotation à venir sans trop aller la chercher dans l’ouest, comme le fait Vincent actuellement. Une certaine envie de « couper le fromage » et de faire l’intérieur du virage en voyant l’anticyclone passer dans leur nord. Facile à dire, plus difficile à faire, mais gageons que l’ambiance à bord des bateaux doit être aux réglages et à la vitesse. Il faut maintenant que les machines tiennent sachant que le moral des hommes est clairement à toute épreuve... « Quand tu vois le dernier mois que je viens de passer, il ne peut plus rien m’arriver ! Je pourrai traverser le Sahara en portant le bateau sur mon dos ! » dixit Jean. Ambiance...
– Vincent Riou (PRB) : « Pour le moment le ciel est bleu avec de gros cumulus et une mer de face pas très sympa. Mais cela ne se passe pas mal ! La vie est toujours penchée. Mais pour le moment, le vent est hyper instable et il faut rester concentrer sachant que ce n’est pas mon allure favorite. On va passer au portant, ce sera plus simple et ensuite, doucement, on passera vent de travers. On a encore une semaine, il ne faut pas s’emballer ! La météo actuellement n’est ni plus ni moins favorable que mes concurrents. Mais nous n’avons pas fait le plus dur. Il ne devrait pas y avoir de chamboulements mais c’est l’arrivée qui n’est pas très précise et je ne sais pas trop par où ni comment on va arriver. »
– Jean Le Cam (Bonduelle) : « On fait avec ce que l’on a... Je ne me plains pas ! Il faudrait que Monsieur Météo fasse un truc sympa pour nous, genre une petite pétole à l’arrivée ! De toutes les façons on peut tout imaginer... j’essaye pour le moment de faire au mieux de ce que je sais faire. Cette nuit, les vents ont été très variables et qui dit vents variables, dit modifications des réglages de pilote, de voiles... La météo qui est devant ? Soit elle file à PRB un coup de pied au cul et elle le propulse soit elle glisse comme une savonnette... Statistiquement, il faut que j’aille 8% plus vite que PRB pour arriver en même temps avec les mêmes conditions ».
– Mike Golding (Ecover) : « Il reste deux scénarios possibles à l’entrée du Golfe de Gascogne. L’un est que ça t’emmène jusqu’au bout avec un vent portant. L’autre, c’est du près dans de petits airs. Du près dans de petits airs me conviendrait bien... Chaque fois que je m’approche de lui, il se passe quelque chose, alors j’en ai un peu peur maintenant... ! »
– Nick Moloney (Skandia) : « J’ai passé la nuit à tirer des bords. Depuis ce matin, c’est idéal. Soleil, mer plate et 8 à 9 nœuds de vent d’est qui me permet de faire la route directe. Mais dès cette nuit, je m’attends à tout autre chose. Une petite dépression est en formation au dessus de moi. C’est possible que j’ai jusqu’à 40 nœuds, sans doute au près. Autrement je vais bien physiquement et le bateau aussi. Je fais le tour du bateau régulièrement mais j’ai toujours peur de ne pas voir un éventuel problème qui pourrait survenir... »
• CLASSEMENT DU 24/01/05 15:00 GMT (16H00 PARIS)
Rg Nom Skipper Dist Arr Ecart
– 1 PRB VINCENT RIOU 2187,2 0,0
– 2 BONDUELLE JEAN LE CAM 2266,9 79,7
– 3 ECOVER MIKE GOLDING 2298,7 111,5
– 4 VMI SEBASTIEN JOSSE 3090,6 903,4
– 5 TEMENOS DOMINIQUE WAVRE 3090,7 903,5
– 6 VIRBAC-PAPREC JEAN-PIERRE DICK 4453,7 2266,6
– 7 SKANDIA NICK MOLONEY 5008,1 2821,0
– 8 ARCELOR DUNKERQUE JOE SEETEN 5252,8 3065,6
– 9 HELLOMOTO CONRAD HUMPHREYS 5657,4 3470,3
– 10 OCEAN PLANET BRUCE SCHWAB 6027,2 3840,1
– 11 MAX HAVELAAR BEST WESTERN BENOIT PARNAUDEAU 6346,7 4159,5
– 12 ROXY ANNE LIARDET 7456,0 5268,8
– 13 AKENA VERANDAS RAPHAEL DINELLI 7743,0 5555,8
– 14 BENEFIC KAREN LEIBOVICI 8320,6 6133,5
Mardi 25 janvier : Nick Moloney perd sa quille • Riou de retour sous la menace de Le Cam et Golding
Nick Moloney (Skandia) n’aura vraiment pas été épargné pendant ce Vendée Globe. Après avoir surmonté une terrible tempête dans l’Océan Indien et avoir réparé un certain nombre d’avaries, Nick Moloney a perdu sa quille ce matin vers 9h30 (heure française).
Le 18 janvier dernier, il avait heurté violemment un OFNI au nord des Malouines, ce qui pourrait partiellement expliquer la rupture de l’appendice aujourd’hui. Mais seule une étude approfondie du moignon de quille encore en place pourra peut-être expliquer les raisons de cette casse. Quelques heures plus tôt, vers 6h00 du matin, Nick avait senti que la quille présentait un problème. Un sentiment renforcé, au moment de virer, par une gîte anormale du bateau. Prévenant immédiatement son équipe à terre, le skipper australien a eu l’intelligence d’affaler ses voiles et de remplir ses ballasts au maximum de leur capacité (5 tonnes) pour assurer la stabilité du bateau. Un bon réflexe puisque la quille s’est définitivement brisée, à 30 cm sous la coque, quelques heures plus tard. Nick Moloney fait désormais route au moteur à 4-5 nœuds vers Rio de Janeiro, situé à 120 milles dans son nord. A 15h00 ce jour, un bateau moteur a quitté Rio pour prendre le 60 pieds en remorque. Présent à Rio pour le lancement aujourd’hui du premier Volvo 70 brésilien, l’Espagnol Guillermo Altadill n’a pas hésité une seconde pour monter à bord du bateau moteur et porter assistance à Nick Moloney. Guillermo a remporté The Race à bord de Club Med et participé à plusieurs Volvo Ocean Race, tout comme Nick Moloney (une Whitbread - ex-Volvo - et un Trophée Jules Verne à son actif). La quille de Skandia était une quille en acier, changée fin 2002 après la Route du Rhum remportée par Ellen MacArthur. Cette quille, vérifiée à chaque retour de course, avait dans son sillage quatre transats et près de 19000 milles pendant ce Vendée Globe.
A la vacation du jour, Jean Le Cam (Bonduelle) n’affichait pas de satisfaction particulière à son grand retour sur Vincent Riou (PRB). Pourtant, Jean a réduit de moitié son retard en 24 heures en revenant de 79 à 39 milles dans le sillage de Vincent (entre les deux pointages de 16h00). En fait, Jean Le Cam tente actuellement de serrer au plus près une bulle anticyclonique pour parcourir le moins de chemin possible vers les Sables, au risque d’être ralenti si le centre de cet anticyclone lui jouait un mauvais tour. A près de 180 milles dans son nord-ouest, Vincent Riou croise les doigts pour que cette option ne paye pas et, qu’à l’inverse, ce soit lui qui touche en premier le renforcement et la rotation du vent, ce qui lui permettrait d’aligner les milles en route directe vers Les Sables d’Olonne. Le dénouement de ce suspense atlantique devrait se profiler d’ici 36 heures ! A moins de 100 milles du leader, Mike Golding (Ecover) ne fait pas de bruit et tente également sa chance en coupant le fromage. Il reste à peine 2000 milles à parcourir et les conditions météorologiques peuvent encore réserver quelques surprises...
– Nick Moloney (Skandia) : « Je suis en sécurité pour l’instant. J’espère que la météo va rester OK, afin que je puisse me diriger vers un port. Tout a commencé à 3 heures GMT (4h00 heure française). Je venais de virer de bord. J’étais vraiment très heureux de ce virement de bord qui signifiait que j’allais enfin m’extirper de cet anticyclone. J’avais 25 nœuds de vent et j’espérais bien ne plus avoir à virer avant longtemps. Je me suis installé à la table à cartes et j’ai entendu un craquement. Pas très fort. Mais le bateau a pris de la gîte. Je me suis précipité sur le pont et j’ai remarqué que la quille présentait un angle assez étrange. Je suis allé à l’intérieur vérifier l’ancrage de la quille. Tout paraissait normal. J’ai appelé mon équipe technique. On a parlé un moment et on a pensé qu’il était impossible que la quille se désolidarise. On a décidé d’attendre le lever du jour. J’ai réduit la voilure et j’ai commencé à remplir les ballasts. Aux premières lueurs du jour, j’ai mis mon masque et je me suis penché par la trappe de secours. la quille était pointée vers le bas et se balançait. J’ai affalé toutes les voiles et j’ai lancé le moteur, en marche arrière d’abord puis en marche avant. J’ai essayé de bouger la quille et elle s’est brusquement détachée, à 30 centimètres de la coque. Il ne reste plus rien en dessous. J’ai les ballasts remplis à fond et j’ai calé toutes les voiles à l’intérieur. Je ne me souviens pas avoir heurté quelque chose cette nuit. Cette quille était en acier. Je ne m’explique pas cet accident. Je fais cap au sud-ouest et j’attends que la mer se calme et que le vent tourne pour faire route vers Santos à 4 nœuds (finalement vers Rio depuis, ndlr). la situation est toujours grave. »
– Vincent Riou (PRB) : « On fera le point dans 36 heures (pour l’option de Jean Le Cam). Peut-être que cela va être chaud, peut-être pas. Ce n’est pas facile à dire. On doit contourner une bulle anticyclonique. Moi je prends du gras, ce n’est pas à moi de prendre les risques de couper le fromage. Le problème est qu’on travaille avec des modèles qui ne sont pas assez précis. Là, plus que jamais, il faut que je fasse ma route. Si je regarde derrière, je me fais peur ! C’est typiquement le genre de situation où si j’essaye de les marquer, je perds tout mon avantage. C’est toujours le problème d’avoir des gros écarts et d’être décalé devant. Quand vos poursuivants passent là où vous êtes passés, ils n’ont pas les mêmes conditions et peuvent suivre des routes différentes. Jean Le Cam peut vous en parler ! Mais normalement, dans 48 heures, tout devrait être en ordre... »
– Jean Le Cam (Bonduelle) : « Je suis dans la position la plus délicate qu’il puisse exister. On fait le tour de la bulle (l’anticyclone, ndlr). Moi, je suis à l’intérieur. Soit il y a du vent proche du milieu, soit il n’y en a pas ! L’arc de cercle va être difficile à négocier. On peut espérer que l’anticyclone se décale un peu plus, ou qu’il y ait du vent proche du centre. Cela fait un mois que j’espère, je peux continuer à espérer ! Mais honnêtement, je ne suis pas dans une position très confortable. Il faut que ça passe, c’est tout... Va falloir être concentré, mais il va falloir aussi un peu de réussite. »
– Sébastien Josse (VMI) : « C’est sûr, ça fait du bien de sortir du Pot-au-Noir. J’ai été collé au moins cinq ou six heures hier soir. Il n’arrêtait pas de pleuvoir. Avec la houle résiduelle de l’alizé, ce n’était pas très agréable. Il y a un stade où il faut attendre que cela se passe, car sur le pont, on se fatigue plus que cela n’avance ! Ce n’est pas rentable... »
Mercredi 26 janvier : Vincent Riou a récupéré une partie de son avance • Nick Moloney a été pris en remorque par un bateau de la marine brésilienne • Liardet au cap Horn
Vincent Riou (PRB) a enfin récupéré les dividendes de son investissement dans le nord-ouest de Jean Le Cam (Bonduelle) pour aller chercher le renforcement du vent. En quelques jours, son avance a chuté de 170 à moins de 30 milles hier pour remonter à 75 milles mercredi à 16h. Le vent se renforçant par le nord, le plus pénalisé du trio de tête est logiquement le Britannique Mike Golding (Ecover) qui, étant le plus sud des trois, accuse désormais un retard de 148 milles, contre 88 milles hier. Grâce à cette option nord, Vincent Riou abat une première carte maîtresse, mais est loin d’être certain de remporter la mise. Le suspense reste total à tout juste une semaine de l’arrivée. La fin de la course réserve encore quelques embûches météo à négocier. Les 1000 derniers milles devraient se dérouler au près, avec une mer agitée...
Nick Moloney (Skandia) a été pris en remorque par un patrouilleur de la marine brésilienne hier soir malgré des conditions de vent et de mer difficiles. Plusieurs remorques ont cassé à cause des à-coups dans les vagues, ce qui oblige le skipper australien à rester une grande partie du temps à la barre. Bien que soulagé par l’arrivée de cette précieuse assistance, Nick était néanmoins stressé des conditions rencontrées au large du Brésil. Le bateau tape et roule énormément en l’absence de sa quille. Mais ce calvaire devrait prendre fin vers minuit en entrant dans la magnifique baie de Rio de Janeiro.
Liardet au Cap Horn. Anne Liardet (Roxy) est la première des deux femmes engagées dans cette course à franchir le Cap Horn. Anne a doublé le mythique rocher en milieu d’après-midi, en 12e position, avec des vents d’ouest forts l’obligeant à empanner régulièrement. C’est la première fois que la navigatrice passe la pointe sud-américaine en course.
– Nick Moloney (Skandia) : « C’est un énorme soulagement d’avoir réussi à passer une amarre et à être remorqué par la marine brésilienne. L’amarre a été très difficile à passer. Elle se rompait sans arrêt et la tâche était épuisante. Je ne peux maintenant pas encore me reposer car la mer est très dure et j’ai encore plus de 30 noeuds de vent. Je suis donc obligé de barrer pour éviter que le bateau ne parte trop à droite ou à gauche. J’espère vraiment que le vent va baisser. Je devrais toucher terre cette nuit vers minuit heure française. »
– Vincent Riou (PRB) : « J’ai enfin pu tourner à droite. Cela va mieux. Cela va bien même. Je suis dans un flux établi, au portant. Je ne sais pas exactement où je traverserai l’archipel des Açores, entre l’île de Sao Miguel et l’île du Nord peut-être. Le scénario était très simple pour moi compte tenu du décalage en latitude dont je bénéficiais. Je trouve d’ailleurs que Bonduelle n’est pas suffisamment ralenti. Jean et Mike vont à fond dans leur tentative de « couper le fromage ». C’est leur seule solution. On sera demain dans un autre système et on pourra faire les comptes. C’est vraiment une belle régate, depuis le début. Mais cette remontée de l’Atlantique est compliquée, ça part devant, ça revient derrière... Il s’est passé beaucoup de choses depuis le Horn. Et avec une arrivée au près... c’est pas bien sympa ! Ce n’est pas le moment de se relâcher. Il faut déjà bien finir le contournement de cette bulle. Je ne pense pas être arrêté mais il peut y avoir des petites bulles à négocier. J’ai entre 16 et 18 nœuds de vent au portant, tribord amures, sur mer plate, en bordure de l’anticyclone, mais bien dans le nord du centre de hautes pressions. Je me vois bien arriver mercredi 02 février au matin... »
– Jean Le Cam (Bonduelle) : « La situation est toujours inconfortable. Comme hier. Il y a une bulle à contourner, en coupant au plus près. Donc, on serre les fesses en espérant... Il n’y a rien d’autre à faire. Les modèles ne sont pas fiables. On sait qu’on aura du près sur l’arrivée. Ne baissons pas les bras ! On ne sait pas comment est PRB... Il faudrait donner un petit coup de pouce à l’anticyclone pour qu’il se déplace un poil dans l’est. ... et puis un peu de pétole devant Vincent... et alors là, c’et la lutte finale dans le golfe de Gascogne ! Lui en bâbord, moi en tribord. Une petite bascule de 20 degré à l’arrivée et hop ! Je gagne de 2 minutes 30 ! Cela vous va comme scénario ? »
Jeudi 27 janvier : Vincent Riou s’échappe par le nord et augmente son avance • Le record de l’épreuve devrait être amélioré d’au moins six jours
La fin au louvoyage de ce tour du monde express peut réserver encore quelques surprises et impose une grande prudence. Vincent Riou le sait précisément et préfère ne pas penser à l’arrivée pour ne pas perdre de vue ses préoccupations actuelles : ne rien casser, faire les bons choix de routes jusqu’à l’arrivée et conserver son avance en se recalant doucement devant ses adversaires.
Néanmoins, la nuit dernière a répondu aux attentes de Vincent Riou. Comme il l’espérait, il a profité d’un vent plus soutenu dans le nord, et a vu ses poursuivants perdre beaucoup de terrain à cause d’un recalage obligatoire et coûteux pour éviter la zone sans vent du centre anticyclonique. Du coup, l’avance de Vincent a encore augmenté de 79 milles en 24 heures sur Jean Le Cam (119 milles en 48h). Mais le skipper de PRB peut compter sur les deux autres prétendants au trône pour continuer à lui mettre la pression jusqu’au bout et à ne jamais baisser les bras. La tension augmente de jour en jour à l’approche de l’arrivée, prévue pour mercredi matin. Si tel était le cas, le record de l’épreuve serait battu d’au moins six jours après plus de 86 jours de course !
– Vincent Riou (PRB) : « Je suis enfin dans la situation que j’imaginais il y a quelques jours. Je suis plutôt satisfait. Cette bulle anticyclonique était piégeuse. J’ai donc pu reprendre un peu de milles. Mais je ne crierai pas victoire avant les derniers mètres decourse. La nuit n’a pas été simple. Les conditions étaient très dures pour le bateau. La transition entre le nord de la bulle anticyclonique, une dépression dans mon nord-ouest et l’anticyclone sur l’Europe a généré une grosse houle, avec de surcroît la mer du vent... Un vrai champ de mines. Il ne faut donc pas s’emballer. Tout peut encore arriver d’ici Les Sables. J’ai cassé un chariot de grand-voile cette nuit et j’ai dû affaler pour réparer. Le sommeil s’en ressent. La mer est dure et je marche 2 à 3 nœuds moins vite que mon plein potentiel.
Le bateau veut accélérer et moi, je freine. La situation n’est pas facile. Je suis bien où je suis, vent de travers sur la route, dans un flux de sud-est. Mais la mer est dure. Direction le cap Finisterre et l’anticyclone. Il ne faudra pas se louper dans les virements de bord. Mes adversaires sont loin et je n’hésiterai pas à lever le pied pour ménager le bateau. J’estime cependant arriver le 2 février. »
– Jean Le Cam (Bonduelle) : « Contourner un anticyclone au plus près de son centre est un exercice à risque ; qui s’y frotte s’y pique. Quand cela a molli, j’ai dû empanner pour me dégager. On attaque maintenant l’anticyclone avant l’arrivée. Sauf gros impondérables, mes modèles de routage donne PRB vainqueur le 1er février avec 12 heures d’avance sur moi... Bon. Cela fait un mois que ça passe à gauche et que je suis... à droite. Et hors de question de se recaler derrière. Même s’il va un petit peu moins vite que nous, ce ne sera pas suffisant pour le rattraper. Je viens d’ouvrir mon dernier carton de nourriture et j’ai pris ce qui sera sûrement ma dernière douche avant l’arrivée. La pétole est derrière nous. Tout est bien établi à présent. »
– Mike Golding (Ecover) : « Les conditions ne sont pas très stables mais il y a de l’air. J’ai l’impression d’être entre deux zones de calme, comme si je passais un front. C’est très humide, avec un vent changeant en force et en direction. Rien de très constant. Je pense reprendre un peu de terrain sur mes adversaires si j’ai du reaching pendant qu’ils seront au près. PRB va tirer des bords et sa vitesse de rapprochement en souffrira, tandis que Bonduelle et moi ferons route directe au reaching. Je suis prêt mentalement et physiquement pour le dernier sprint vers la maison. Je vais faire le plein de sommeil dans la perspective du golfe de Gascogne. »
– Anne Liardet (Roxy) : « Le passage du détroit de Lemaire valait tout l’or du monde. J’ai « tricoté » toute la nuit et une partie d’hier pour attaquer ce détroit entre les grains et la pétole. Puis j’ai eu « l’ascenseur », avec une pleine lune incroyable de face, l’île des Etats à droite et la terre de feu à gauche. Somp-tu-eux ! C’est un endroit génial, magique. Je n’ai rien vu du Horn. Je m’étais approché mais je n’ai vu qu’une masse grise dans du gris. Mais cela remue les tripes et j’ai pleuré. Parce que c’est la fin d’une grosse tension, d’un gros morceau du Vendée Globe ; le Sud est tellement violent. On est constamment aux aguets, sur le qui-vive. Alors au Horn, on se lâche un peu. C’est une délivrance et après l’île des Etats, tout change, la couleur de l’eau, du ciel et même du soleil... »
• CLASSEMENT DU 27/01/05 15:00 GMT (16H00 PARIS)
Rg Nom Skipper Dist Arr Ecart
– 1 PRB VINCENT RIOU 1328,9 0,0
– 2 BONDUELLE JEAN LE CAM 1486,9 158,0
– 3 ECOVER MIKE GOLDING 1562,7 233,8
– 4 TEMENOS DOMINIQUE WAVRE 2453,0 1124,1
– 5 VMI SEBASTIEN JOSSE 2479,4 1150,5
– 6 VIRBAC-PAPREC JEAN-PIERRE DICK 3922,9 2594,0
– 7 ARCELOR DUNKERQUE JOE SEETEN 4712,3 3383,5
– 8 HELLOMOTO CONRAD HUMPHREYS 4931,1 3602,2
– 9 OCEAN PLANET BRUCE SCHWAB 5354,6 4025,7
– 10 MAX HAVELAAR BEST WESTERN BENOIT PARNAUDEAU 5713,7 4384,8
– 11 ROXY ANNE LIARDET 6855,0 5526,2
– 12 AKENA VERANDAS RAPHAEL DINELLI 7216,6 5887,7
– 13 BENEFIC KAREN LEIBOVICI 7680,7 6351,8
Vendredi 28 janvier : Vincent Riou compte 158 milles d’avance sur Jean Le Cam
Cette fin de Vendée Globe prend des allures de pièce de théâtre au dénouement toujours incertain. Le dernier acte a commencé à la sortie du Pot-au-Noir et les scènes qui se succèdent jour après jour remettent à plat toutes les certitudes de la veille. Hier après-midi, Vincent Riou (PRB) comptait 158 milles d’avance sur Jean Le Cam (Bonduelle), qui paraissait un peu résigné. Cet écart, correspondant à plus de 10% de la route à parcourir (1 328 milles hier), semblait assez confortable à six jours de l’arrivée. Bien au contraire ! Après une nuit dantesque, qualifiée d’« apocalyptique, de reaching de la mort ! » par Jean Le Cam et de « pire moment de la course » par Vincent Riou, les écarts se sont fortement resserrés. Au point de se demander aujourd’hui, à moins de cinq jours de l’arrivée, si Vincent Riou sera en mesure de conserver son leadership.
Car le retour de Le Cam et Golding (Ecover) n’a rien à voir avec une éventuelle prudence de la part de Riou. Les trois skippers de tête terminent leur marathon planétaire par un sprint phénoménal dans lequel ils jettent toutes leurs forces et celles de leurs montures. Mais Vincent Riou, décalé de 170 milles dans le nord de ses poursuivants, a connu des conditions différentes la nuit dernière. Pendant qu’il était au près dans une mer terrible, ses deux adversaires prenaient tous les risques pour revenir et faisaient fumer leur étrave au reaching - allure légèrement plus abattue et plus rapide que le près. C’est d’ailleurs ce qui inquiétait Vincent aujourd’hui à la vacation. Tant qu’ils ne seront pas tous les trois exactement dans le même système météo, tout peut encore arriver... Dans de telles conditions, le skipper de PRB a tout juste eu le temps d’apprécier les lumières des îles Santa Maria et Sao Miguel de l’archipel des Açores entre lesquelles il est passé cette nuit. Ce soir, entre 20h00 et 21h00, Vincent Riou passera sous la barre des 1000 milles le séparant de l’arrivée. La fin approche, l’incertitude reste...
Dinelli au Cap Horn. Raphaël Dinelli (Akena Vérandas) a pu apprécier son deuxième passage du Cap Horn. Il y a quatre ans, non seulement il était hors course, mais en plus il n’avait rien vu. Cette fois, Raphaël est passé en 12e position, de jour et suffisamment près pour pouvoir admirer l’impressionnant rocher noir. Derrière lui, Karen Leibovici (Benefic) doit affronter des vents de face et ne pense pas atteindre le Cap Horn avant deux jours.
– Vincent Riou (PRB) : « Je n’ai pas quitté le ciré depuis 24 heures. C’est vraiment le bordel ici. Il y a un front qui met le bazar. Le vent est très instable. J’ai dû entrer dans le front. J’ai eu ce matin 35 à 40 nœuds d’est-nord-est pendant 4 heures. Ce sont les pires conditions de navigation que j’ai connues depuis le départ. Je suis à présent au près serré dans un vent qui oscille entre 17 et... 30 nœuds. J’ai vu cette nuit les lumières des îles (les Açores, ndlr), mais cela ne m’a pas trop ému car j’étais très occupé. Il y a toujours de la mer et je suis attentif à faire avancer le bateau et grappiller des milles. Il n’est plus question de lever le pied. Je suis obligé d’allumer car mes concurrents n’ont pas les mêmes conditions que moi. Je n’ai plus le choix. »
– Jean Le Cam (Bonduelle) : « Si la nuit était agitée ? On peut dire ça comme ça... C’était plutôt apocalyptique ! Le reaching de la mort ! Indescriptible... Dans ces cas-là, on préfère fermer les yeux et les oreilles et ne pas savoir ce qu’il se passe. J’étais à fond, en veille, toute la nuit. Bon, ça va se calmer maintenant. On aura le vent dans le nez jusqu’à l’arrivée. Un grand bord refusant et faiblissant. Le jeu est de trouver un compromis entre cap et vitesse. On finira bâbord amures, c’est sûr, dans l’est de l’anticyclone. »
– Mike Golding (Ecover) : « La nuit a été longue. Cela a commencé avec beaucoup de pluie quand j’ai quitté la bulle anticyclonique. Je suis parti au reaching mais avec un vent très changeant et très fort. J’ai beaucoup manœuvré, en changeant beaucoup de voiles ; gennaker, trinquette...Chaque fois que je pensais avoir des conditions stables, cela changeait. Je pense que le pire est derrière moi à présent. J’ai repris quelques milles en récompense de mes efforts. L’anticyclone ne nous laisse pas beaucoup d’opportunités. Bien sûr, j’essaie d’éviter la casse, mais je suis sans cesse à 100%. Si j’avais une vitesse supplémentaire, je l’enclencherais. On ne peut pas pousser le bateau aveuglément, surtout avec la mer que j’avais cette nuit. J’aurais pu tout casser.
Ce sera une course de dragsters mais peut-être y a-t-il quelques zones de calmes que l’on ne discerne pas encore. Je n’ai pas eu beaucoup de chance depuis le départ et les choses peuvent - doivent - changer... »
Samedi 29 janvier : A moins de quatre jours de l’arrivée, les écarts se resserrent encore entre les trois premiers
Hier, c’est Vincent Riou (PRB) qui, usé par le coup de vent de la nuit, paraissait un peu tendu. Aujourd’hui, c’est Mike Golding (Ecover) qui avait l’air énervé par la situation. Jean Le Cam (Bonduelle) préférait pour sa part jouer la carte de l’humour et de l’évitement pour ne pas afficher le stress qu’impose une telle épreuve. Imaginez ! 83 jours d’effort sur l’eau - sans parler des années de préparation - pour échouer si près du but... Car un seul des trois connaîtra la consécration de la victoire. Pour les deux autres, le réconfort d’avoir réalisé une course splendide et d’avoir donné son maximum ne pourra masquer la déception immédiate.
Dernières options. A plus de 600 milles au large de la péninsule ibérique, à la latitude du Cap Finisterre (pointe nord-ouest de l’Espagne), Vincent Riou poursuit sa route en direction de l’Irlande. L’objectif est de s’approcher du centre anticyclonique pour aller chercher une bascule de vent à gauche, de l’est au nord-est. Vincent mettra alors le clignotant à droite pour repartir plein est vers les Sables d’Olonne. Mais que vont faire Jean Le Cam et Mike Golding dans les prochaines 48 heures ? Suivre le leader en tentant de grappiller quelques milles par une position à l’intérieure du virage ? Ou bien tenter le tout pour le tout en profitant de la moindre bascule pour revenir dès maintenant à l’est vers le Cap Finisterre ? Pour Mike Golding, la deuxième option est tentante puisqu’il est déjà en troisième position. Il n’a rien à perdre à tenter le coup. A moins qu’il n’y ait aucune possibilité de ce côté-là et qu’il soit obligé de suivre ses prédécesseurs...
Josse repasse 4e. Le duel entre Sébastien Josse (VMI) et Dominique Wavre (Temenos) reste tout aussi indécis que la course à la victoire en tête. La nuit dernière, le benjamin de la course a repris la 4e place au skipper suisse. A la lutte depuis le sud du Brésil, les deux skippers n’accusent encore aujourd’hui que 17 milles d’écart. Derrière eux, Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) poursuit sa progression rapide vers le nord en direction de l’équateur qu’il devrait franchir dimanche dans l’après-midi. Jean-Pierre sera alors le 6e concurrent à revenir dans l’hémisphère nord.
– Vincent Riou (PRB) : « C’est beaucoup plus cool aujourd’hui. Hier était sûrement la journée la plus dure du Vendée Globe avec celle au large de Cabo Frio (cap proche de Rio, ndlr). Je suis au près, mais c’est « navigable », dans 20 nœuds de vent avec des oscillations de l’ordre de seulement 10 degrés. Il y a encore de la mer, mais c’est parfaitement gérable. Le bateau tient bien sans qu’il y ait besoin de barrer, de régler ou de changer de voiles constamment. La fin devrait être moins dure que ce que l’on vient de connaître. Il faudra grappiller les 10es de milles aux réglages mais la vie sera plus facile. On peut se permettre de dormir ou d’aller manger. Côté régate, les décalages sont faits. Les jeux sont faits, ou presque, on a jeté la boule et on regarde tourner la roulette. C’est le positionnement du centre de la bulle anticyclonique qui sera l’arbitre. A l’idéal, on reste dans le front, on attend une franche bascule et on vire sur la route. Jean force un peu dans l’est, ce qui stratégiquement n’est pas idiot. Il n’y a pas que les trajectoires. Il faut aussi choisir le bon moment du virement. En tout cas, si la descente de l’Atlantique a été géniale au portant, la remontée est terrible. »
– Jean Le Cam (Bonduelle) : « Le suspense bat son plein. Trois bateaux en une centaine de milles. Décidément, l’organisateur est très fort ! (Rire) Je fais de mon mieux et on comptera les points à l’arrivée. C’est la lutte finale ! C’est un final extraordinaire qui clôt bien l’événement. Une arrivée au couteau après trois mois de course ! Je suis bien reposé. Je ne fais plus de prévision. Je regarde mon baromètre et je cherche le centre de l’anticyclone. On a de la chance, on arrivera avec le beau temps. »
– Mike Golding (Ecover) : « Ces dernières 24 heures ont été terribles, dans du vent très instable en force et en direction. C’était difficile de tenir le bateau, au milieu de nulle part, d’essayer d’avancer. Cela s’est calmé quelques minutes puis c’est reparti à saute-mouton. Il a fallu beaucoup manœuvrer, changer de voiles ... Et à présent, c’est toujours n’importe quoi. Je ne sais pas d’où vient le vent, je ne sais pas d’où vient la mer... C’est l’horreur, le bordel ! (en français dans le texte, ndlr.) Tactiquement, il ne me reste guère d’options. Il faudra bientôt virer bâbord amures. On peut essayer de couper le fromage en empruntant une route directe, ce qui me paraît jouable. Il faut être patient et attendre un changement de vent. Je ne sais pas si ces conditions sont les pires du Vendée Globe. Elles sont certainement les plus frustrantes. »
– Bruce Schwab (Ocean Planet) : « Je vais plutôt bien pour l’instant, mais la nuit a été rude. J’aperçois un gros grain sur mon radar. J’ai viré et j’espère qu’il va passer derrière moi. J’ai deux ris dans la grand-voile mais j’en avais trois cette nuit tant la mer était désordonnée. Il fallait réduire pour ralentir le bateau. Les vagues sont mieux organisées maintenant. Cela tape encore un peu mais tout est super. J’ai renvoyé de la toile et le moral est à la hausse. Je suis un peu déçu de voir que Conrad a bénéficié de conditions beaucoup plus favorables que moi. Il a eu de la chance. Il a maintenant une belle avance. Peut-être pourrais-je me refaire dans le Pot-au-Noir. C’est une question de chance, et cela ne m’obsède pas. La régate en tête du Vendée Globe est absolument fantastique. Bien sûr, j’étais un peu supporter de Mike Golding, mais Vincent a fait une course extraordinaire depuis le départ et les choses se présentent bien pour lui. Ces trois types sont de toutes les façons des « superstars ». Je suis toujours au milieu de l’Atlantique, et c’est mieux que d’être hors course. Si j’avais disposé des mêmes moyens que les leaders, je me sentirais vraiment mal d’être là où je suis. Mais compte tenu des moyens dont je disposais au départ, je suis très satisfait du résultat. Il me reste cependant encore
5 000 milles à faire et c’est une sacrée distance. »
Dimanche 30 janvier : L’avance de Riou tombe à 33 milles !
Vincent Riou (PRB) progresse toujours cap au Nord. Sa trajectoire est parallèle aux côtes de France et le Bigouden ne se rapproche plus des Sables d’Olonne. Il va chercher ce fameux « point de giration » à partir duquel il pourra orienter à l’Est son étrave et progresser vers l’arrivée. Son adversaire direct, Jean Le Cam (Bonduelle), sur une trajectoire plus « lofée », s’est considérablement rapproché au classement général, 33,4 nautiques, relançant les supputations d’arrivée. Mais il n’a pas pour autant comblé son décalage Nord-Sud avec le leader, un décalage qui stagne à près de 3 degrés de latitude, soit 180 milles. C’est bien l’évolution de centre des hautes pressions située dans l’ouest de l’Irlande qui décidera à qui, de Vincent ou de Jean, il offrira l’angle et la force de vent favorables au retour vers la ligne d’arrivée.
Au sang froid de Riou, Le Cam oppose sa ruse et son esprit joueur. Il a réussi à créer un nouveau décalage Est Ouest de près de 100 milles qui relance quelque peu les actions de Bonduelle à la hausse. Pas de course de « petits chevaux » pour Jean qui veut rester maître de son destin. Mike Golding (Ecover) épouse sans bruit cette stratégie. Il réduit son déficit sur Vincent Riou à 102 milles.