Géant, barré par Michel Desjoyeaux, à vue de la Teignouse peut de temps après son départ de Saint Nazaire

Photo : JM.Liot

A Saint-Nazaire où tout est plus grand que grand, des chantiers et leurs paquebots à l’estuaire en passant par le pont qui l’enjambe, il était logique qu’un Géant ouvre la ligne du plus beau des contre-la-montre à la voile. C’est chose faite. Aujourd’hui mardi à 15h01’46, même la météo a déroulé le tapis rouge à Michel Desjoyeaux, quand un soleil autoritaire a déchiré le ciel de grains à l’instant même où l’icône de la voile, le marin le plus titré au monde, a lancé son grand trimaran sur la ligne de départ. Cargo sur l’estuaire, public sur la digue, flux d’ouest-sud-ouest soutenu, 20-25 nœuds, mer courte, rafales... et Géant a décollé, deux ris trinquette comme dans les livres, faisant déjauger sa coque au vent comme pour saluer les hélicos venus immortaliser « cet intense moment d’émotion », dixit Damien Grimont, l’inventeur de ce record Record #sailingrecord Saint-Nazaire - Saint-Malo au profit des Sauveteurs en mer.

Quelques minutes plus tôt, la grande porte levante du sas de Saint-Nazaire avait eu bien raison de se prendre pour un gigantesque clap de cinéma, s’ouvrant puis se refermant le temps de permettre à Géant, Gitana X et Sodebo de prendre leur envol. Et quel envol ! Remontant au près le chenal de la Loire, Géant tirait des bords millimétrés et lâchait déjà la pleine puissance de sa voilure, fendant l’écume à une vitesse Vitesse #speedsailing déjà impressionnante dans ces conditions en remontant au vent : 16, 17 nœuds...

L’équipage était déjà dans le match, Michel Desjoyeaux à la barre et un certain Vincent Riou à bord. Les deux derniers vainqueurs du Vendée Globe sur le même bateau, on a connu des images moins marquantes. « C’est un rêve qui se concrétise », commente Damien Grimont, « j’ai fait dix ans de course au large sans penser assez à tous ces bénévoles de la SNSM. Aujourd’hui, je suis content de leur renvoyer l’ascenseur. Il faut multiplier le nombre d’adhérents au moins par deux ou trois, c’est ce qui compte aujourd’hui ».

Thierry Duprey était là pour ça lui aussi. A 15h12’00, avec l’équipage de Gitana X, lui aussi a offert un spectacle total en lançant sa jolie bête de course à l’assaut des 284 milles du plus sain des parcours entre Nazaire et Malo, car les trimarans évitent volontairement tous les dangers de la belle Bretagne. Ils laisseront sur leur droite les côtes au vent de toutes les îles, en n’allant pas plus chercher d’inutiles noises au raz de Sein que de vaines chaleurs aux abords du Four. Les plus beaux endroits de la planète peuvent, parfois, être les plus dangereux. Et si Neptune favorise ceux qui partent, la mer n’est belle que lorsqu’elle les laisse revenir.

Alors, les étoiles de la voile ont montré l’exemple cet après-midi. Ils ont évidemment pris la météo. Réfléchi à leur navigation plutôt deux fois qu’une. Adapté leur voilure au temps. Enfilé leurs harnais de sécurité. Des gestes simples. Basiques. Des gestes qui sauvent.

Thomas Coville a retrouvé la barre de son trimaran de 60 pieds après un tour du monde doré sur Qatar 2006

Photo : Bernard Gergaud

C’est en se sens aussi qu’il faut interpréter l’attitude de Thomas Coville. Le skipper de Sodebo a différé son départ juste avant la ligne, parce qu’une minuscule pièce du système de barre (un diabolo) a lâché pendant une manœuvre. Après les minutes nécessaires au remplacement de cette pièce (livrée par un canot de la SNSM...), le trimaran rouge renvoyait sa grand-voile et prenait lui aussi le départ, à 16h16’47. Comme une illustration parfaite de ce conseil préventif supplémentaire : quel que soit le temps, on ne part en mer qu’avec un bateau parfaitement prêt. En outre, aucune régate au monde ne justifie que l’on mette en péril la vie des marins... et celle des sauveteurs. On espère à ce sujet que chacun a en mémoire cette phrase de Michel Desjoyeaux devenue maxime : « on dit toujours que si tu choques t’es un lâche (lâcher la voile pour réduire la puissance, NDR), mais dans certaines conditions si tu ne choques pas t’es un con... »

Une heure et demie après le départ, les vitesses moyenne de rapprochement au but qui s’affichent semblaient favorables au trimaran Géant de Michel Desjoyeaux. Mais Gitana X était dans le match, comme prévu avant le départ par Thierry Duprey, « au près dans la brise, avec ces conditions un peu musclées, normalement on est assez à l’aise ».

Plus tard dans l’après midi, Sodebo n’était parti que depuis quelques minutes. Il faudra donc attendre le premier chrono intermédiaire de Belle-île pour savoir si un des trois pionniers a pris l’ascendant. Suivront les pointages intermédiaires aux bouées Glénan, Sein, Ouessant, Batz et Bréhat... et puis, sans doute dès demain matin, le premier record Record #sailingrecord SNSM à Saint-Malo. Un premier temps de référence.

Heure de départs
 Michel Desjoyeaux (Géant) : 15h01’46
 Thierry Duprey (Gitana X) : 15h12’00
 Thomas Coville (Sodebo) : 16h16’47’’

Info Mille & une vagues