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Vendée Globe

Jean Le Cam : "gagner avec un bateau pas neuf"

"En 2005, je n’ai pas gagné, mais je n’ai pas perdu"

vendredi 10 octobre 2008Redaction SSS [Source RP]

Un entretien avec Jean Le Cam est un exercice de haut vol, souvent drôle, parfois gratifiant, toujours enrichissant. A condition toutefois de savoir lire entre les boutades, d’éviter les lieux communs, et de toucher l’âme d’un personnage qui a porté le bon sens à un niveau quasi philosophique, et dont l’intelligence pratique ramène toutes questions aux choses de la vie. A un mois du départ de son deuxième Vendée Globe, le skipper de VM Matériaux apparaît totalement immergé dans sa passion pour les bateaux qui vont vite, pour les courses à gagner, et pour un Tour du monde qu’il aborde avec une déconcertante sérénité, celle des marins formés à l’école de l’humilité devant la toute puissance des éléments.

Compétiteur né, fou de techniques, jusqu’à la perfection, Le Cam est un homme rare, qui se mérite et se décrypte. Sa perception du monde et des êtres qui l’habitent est instinctive et ne retient que l’essentiel, le pratique, le vrai... Jean Le Cam parle avec gravité des choses drôles et rend comique les plus arides sujets. Paradoxe de son temps, comédien brillant de la grande scène médiatique qu’est devenue la course au large, il livre à qui sait l’entendre et avec une candeur à peine exagérée les axiomes simples de son métier, de sa passion, de sa vie.

La 6e édition du Vendée Globe, challenge ultime autour du globe, en solitaire, sans assistance et sans escale, va réunir 30 marins dont pas moins de 20 disposeront de machines spécifiquement construites avec l’objectif de la victoire ; cela relaie-t-il forcément VM Matériaux, plan Lombard lancé en 2004, au rang d’outsider ?

- Jean Le Cam : "J’ai plusieurs challenges dans ce Vendée Globe, dont l’un est effectivement de gagner avec un bateau "pas neuf". Notre projet est original et décalé. Après tout, gagner avec un bateau neuf, quoi de plus banal ! Plus sérieusement, refaire un bateau neuf tout de suite après le Vendée Globe n’aurait été ni intelligent ni raisonnable ! Pourquoi ? Parce ce que mon bateau n’avait pas encore été mené jusqu’au bout de sa logique. En construire un autre aurait signifié repartir de zéro, avec un autre architecte peut-être, mais à partir d’une page blanche. Notre démarche depuis 3 ans consiste au contraire à pousser le curseur de la connaissance toujours plus haut, pour aboutir aujourd’hui, veille du départ, à un VM Matériaux totalement optimisé et au bout de sa logique."

Ceux que l’on appelle "les nouveaux bateaux" ont semble-t-il fait le pari de la puissance, dans leurs volumes, leurs surfaces de toiles, leurs sophistications ; VM Matériaux revendique les avantages de la légèreté. Pourquoi ce pari à contre-courant des tendances ?

- JLC : "Les nouveaux bateaux sont les fruits de l’informatique. On a assisté ces dernières années au combat des plus gros ordinateurs et la victoire du "plus plus plus", plus lourd, plus toilé, plus puissant, etc... Ma réflexion née de mes expériences est inverse ; Le Vendée Globe demande d’aller vite, certes, mais d’aller vite longtemps. Or, la puissance, cela fatigue le matériel et cela peut épuiser le bonhomme. Etre plus léger, c’est peut-être déployer moins de puissance, mais cela préserve le bonhomme et le bateau, qui pourront aller vite plus longtemps. Et je vais vous dire autre chose ; il est plus facile de faire tomber un grand qu’un petit. La légèreté permet de garder un centre de poussée très bas sur le bateau, même en portant moins de toile. Je sais qu’en de nombreuses configurations, j’irai aussi vite, voire... tout en sollicitant moins mon bateau. C’est là un schéma très philosophique... Je cours en permanence derrière la réalisation de mes idées. Le pire, ce serait de ne plus avoir d’idées pour faire mieux. "

Tous ces bateaux neufs traduisent la volonté de vos adversaires et de leurs soutiens de partir pour gagner ; comment vous situez-vous par rapport à ces objectifs plus ou moins avoués de victoire ?

- JLC : " Vous ne m’entendrez jamais dire que je vais gagner. Il y a de nombreuses manières de gagner. En 2005, je n’ai pas gagné, mais je n’ai pas perdu. Terminer cette course est en soi une victoire. On part avec pour premier objectif de terminer. On ne peut pas gagner si on ne finit pas. Je suis un perfectionniste qui n’est jamais content, et il est vrai que je ne me contente pas du "pas mal". Il y aura de la casse, c’est statistiquement avéré, plus que lors de la dernière édition. Il faudra donc ne pas trop rêver, mais ne pas s’emporter non plus. Même si on est mieux devant que derrière, être devant trop vite peut devenir fatigant... C’est ce qui est terrible avec ce métier, c’est la quête permanente du compromis, entre innovation et fiabilité, entre performance et risque. C’est aussi ce qui le rend passionnant. Ce milieu est très dynamique ; regardez comment la technologie a évolué depuis 15 ans ! Les hommes eux n’ont pas évolué, mais techniquement, un Vendée Globe en moins de 80 jours est désormais possible."

Info presse Agence Mer & Média / VM Matériaux / www.jeanlecam.fr



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