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Vendée Globe • J39

Nick Moloney : "J’ai réellement appelé ma famille pour leur dire au revoir"

L’Australien se fait sévèrement bousculé à bord de Skandia

mercredi 15 décembre 2004Redaction SSS [Source RP]

Malmené hier dans une mer déchaînée, Nick a retrouvé tout le potentiel de son bateau et progresse 7 nœuds plus vite que son prédécesseur. Il a par contre rencontré des conditions très difficiles à l’approche de l’Australie, sa terre natale. Vents jsuqu’à 65 noeuds, creux de sept mètres et déferlantes ont bousculé Skandia, son monocoque... « Je n’oublierai jamais les bruits effrayants à travers le roof. Je n’oublierai jamais ce moment. Le bateau est reparti sans vraiment savoir où aller. C’était la chose la plus effroyable au monde. » Le skipper de Skandia revient sur les 36 dernières heures de course autour du monde... Un témoignage exceptionnel !

Skandia, le bateau de Nick Moloney, connait la route car il s’agit de l’ancien Kingfisher, 2d du Vendée Globe 2001
Photo JEAN-MARIE LIOT - SAEM Vendée - DPPI

« Ces 12 dernières heures ont été un vrai bonheur comparées aux 30 précédentes. J’ai été assez sévère avec moi-même et je me suis demandé comment j’ai fait pour me mettre dans cette situation. Je n’aurais jamais imaginé que cela puisse être aussi violent. Je naviguais par 45 nœuds de vent avec 3 ris dans la grand-voile et la trinquette, je trouvais même cela plutôt marrant, lorsque la situation a mal tourné...

Dans ma vie, j’ai déjà pris de sacrés coups de vent et accumulé un bon paquet de milles, mais je n’ai jamais, jamais, rencontré de telles conditions. La mer était tout simplement énorme et je n’avais plus de solutions. D’habitude, il y atoujours une échappatoire ou bien un moyen d’affaler une voile de plus... Tout se passait bien, je naviguais juste avec la trinquette par 65 nœuds de vent [1]. Mais les vagues déferlaient comme sur la côte... Je n’exagère pas. La partie blanche de l’écume qui déferlait devait faire six mètres de haut ! Je savais que la situation était critique.

J’ai réellement appelé ma famille pour leur dire au revoir. J’étais persuadé que j’allais payer le prix fort. A quatre reprises, j’ai bien cru que c’était la fin. Après un deuxième appel à Mark (Turner), je ne pouvais rien faire de plus. Les vagues cassaient dans tous les sens. C’était la loterie. Si une vague m’emportait... J’étais à l’intérieur quand, bang, le bateau a été heurté par une grosse vague. On s’est fait retourner. C’est arrivé très vite. J’ai cru toucher le fond. Le matériel volaitsur le plafond, les claviers, la cuisinière... Tout volait à travers et s’éclatait à droite, à gauche. Puis le bateau s’est remis droit. J’étais vraiment choqué. Je n’avais ma combinaison sèche qu’autour des jambes. Je suis sorti en courant sur le pont, le bateau avait empanné et gîtait à 60°. J’étais sur le pont et me disait qu’il fallait que je dégage de là. Je suis vite retourné à l’intérieur. J’ai vraiment cru que l’une de ces vagues avait mon nom inscrit sur elle et que je ne pourrais rien y faire. C’était fou...

« The Voyage for Madmen » ( littéralement une aventure Aventure de fous, mais la traduction du titre du livre en français est « Golden Globe ») - Jamais un titre de livre ne s’est autant rapproché de la réalité. Je vais avoir besoin d’un bon coaching pour retrouver confiance et repartir dans la course.

Comment j’arrive à tenir le coup ? Je n’arrête pas de me dire que si, avec autant de milles au compteur, je n’avais jamais vu cela, c’est donc que je ne devrais plus jamais le vivre. Il y a une partie de moi-même, plus émotive, qui me dit « laisse tomber »... J’ai pris beaucoup de risques (tout au long de ma carrière) et les signaux d’alarme sont bien présents. Mais avoir la possibilité de réaliser cette course a été une quête de longue haleine. Et c’est cette idée qui l’emporte ce matin. Mais je pense que j’ai reçu un sévère avertissement. »

Phase de récupération « Le vent est retombé un peu cette nuit. Mais j’avais besoin de me reposer. Je ne pouvais pas manger, j’étais tellement angoissé et je ne pouvais pas trouver la nourriture de toutes façons ! Donc, j’ai dormi. Le soleil s’est levé et j’avais besoin de me mettre en route. Comme les conditions étaient encore violentes, j’ai décidé de commencer par l’intérieur du bateau. C’était rempli de papier mâché. La liste des problèmes est longue mais pas trop sévère. Depuis le début, j’ai tellement été concentré sur le bateau, pour le protéger, j’ai tellement fait attention à ne pas perdre ou casser quelque chose... Il a suffi d’une vague pour tout briser.

J’ai trouvé la bouilloire sous le réservoir d’essence et, à l’intérieur de la bouilloire, mes gants ! Le spi qui était rangé au fond côté tribord s’est retrouvé, je ne sais comment, en haut, côté bâbord... Tout dégoulinait. J’ai eu un moment très difficile ce matin après avoir découvert une caisse pleine de papier mâché. Je ne savais pas ce que cela avait bien pu être. Mais je pensais qu’il s’agissait de mes cadeaux de Noël ! C’était trop pour moi. Rien que l’idée de passer Noël sans cela. J’ai commencé par nettoyer et une demi-heure plus tard, j’ai trouvé la caisse avec les cadeaux de Noël. J’étais tellement content ! Je vais essayer de manger quelque chose, mais d’abord il faut que j’arrive à mettre la main sur la nourriture. J’ai finalement conclu que la caisse de papier mâché était celle contenant les cahiers, les livres, les serviettes en papier... Mais heureusement pas le papier toilette. Il reste encore beaucoup de ménage à faire à l’intérieur du bateau. Et je n’ai pas encore commencé avec les compartiments avant et arrière.

Sur le pont, la balise Argos et la caméra arrière ont été complètement arrachées. En haut du mât, les deux girouettes sont cassées. J’essaye d’installer une girouette de secours à l’arrière du bateau, pour récupérer la vitesse Vitesse #speedsailing et la direction du vent et que le pilote puisse barrer en mode vent. Alors, je pourrai faire marcher le bateau un peu mieux. »


Voir en ligne : Info Offshore Challenges / www.nickmoloney.com


[1Météo France a confirmé les données selon lesquelles, hier, SKANDIA a subi des rafales allant jusqu’à 66 noeuds (force 11 avec des rafales de force 12) dans un vent constant de 49 nœuds et avec une mer très agitée, avec des creux de 11 mètres.



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